Loi du 15 avril 1958 et CEDH : publicité ou information en matière de soins dentaires ?
La loi du 15 avril 1958 – promulguée deux jours avant l’ouverture de l’exposition universelle de Bruxelles – dispose :
Article 1. Nul ne peut se livrer directement ou indirectement à quelque publicité que ce soit en vue de soigner ou de faire soigner par une personne qualifiée ou non, en Belgique ou à l’étranger, les affections, lésions ou anomalies de la bouche et des dents, notamment au moyen d’étalages ou d’enseignes, d’inscriptions ou de plaques susceptibles d’induire en erreur sur le caractère légal de l’activité annoncée, de prospectus, de circulaires, de tracts et de brochures, par la voie de la presse, des ondes et du cinéma, par la promesse ou l’octroi d’avantages de toute nature tels que ristournes, transports gratuits de patients, ou par l’intervention de rabatteurs ou de démarcheurs.
Ne constitue pas la publicité définie au présent article, le fait pour les cliniques et polycliniques mutualistes de porter à la connaissance de leurs membres les jours et heures des consultations, le nom des titulaires de celles-ci et les modifications qui s’y rapportent.
Art. 2. Il est interdit à toute personne habilitée à exercer l’art dentaire de prester son activité professionnelle dans un cabinet ou dans un établissement de soins dentaires dont le propriétaire ou l’exploitant ferait directement ou indirectement, même en dehors du territoire national, de la publicité visée à l’article 1er.
Art. 3. Les infractions aux dispositions des articles 1er et 2 seront punies d’une amende de 500 francs à 1000 francs. En cas de concours de deux ou plusieurs infractions à ces dispositions, les amendes seront cumulées sans qu’elles puissent toutefois excéder le double du maximum fixé ci-devant.
En cas de récidive dans les deux ans de la dernière condamnation du chef d’infraction à la présente loi, l’amende sera doublée et il sera prononcé une peine d’emprisonnement de huit jours à un mois.
Si le contrevenant est une personne habilitée à exercer l’art dentaire, le juge prononcera en outre l’interdiction de pratiquer pendant une période d’un mois à deux mois. En cas de récidive dans les deux ans, cette durée sera portée de trois mois à six mois.
Art. 4. Le dentiste qui continuerait l’exercice de l’art dentaire pendant la durée de l’interdiction prononcée contre lui en vertu de l’article 3, troisième alinéa, sera puni d’un emprisonnement d’un mois à trois mois. Les médicaments, appareils et instruments qui ont servi ou sont destinés à l’exercice de la profession seront confisqués, même s’ils ne sont pas la propriété du contrevenant.
Art. 5. Dans le cas où une personne qui n’est pas habilitée à exercer l’art dentaire pratique cet art dans un cabinet ou dans un établissement de soins dentaires dont le propriétaire ou l’exploitant ferait directement ou indirectement, même en dehors du territoire national, de la publicité visée à l’article 1er, les peines fixées par l’article 18 de la loi du 12 mars 1818 réglant tout ce qui est relatif à l’exercice des différentes branches de l’art de guérir, sont remplacées par les peines prévues à l’article 3 de la présente loi, sans que celles-ci puissent être inférieures au maximum.
Art. 6. Les cours et tribunaux prononceront la confiscation de tous les médicaments, appareils et instruments servant ou destinés à servir à l’exercice de l’art dentaire dans tout cabinet ou établissement de soins dentaires dont le propriétaire ou l’exploitant fera directement ou indirectement de la publicité au sens de l’article 1er, même si les médicaments, appareils et instruments ne sont pas sa propriété.
Art. 7. Les cours et tribunaux ordonneront la publication, aux frais des condamnés, des jugements et arrêts rendus en application de la présente loi; ils en détermineront la forme et les modalités.
Art. 8. Les dispositions du chapitre VII du livre Ier et l’article 85, alinéa premier, du Code pénal sont applicables aux infractions prévues par la présente loi; toutefois, l’article 85, alinéa premier, n’est pas d’application en cas de récidive, ni dans le cas visé à l’article 5.
Comment faut-il interpréter cette loi en 2010 ? où donc se situe la frontière entre information et publicité ?
La notion de publicité se définit essentiellement par la finalité de la communication : le dictionnaire Robert en donne cette définition :
(1829) Le fait d’exercer une action sur le public à des fins commerciales ; le fait de faire connaître (un produit, un type de produits) et d’inciter à l’acquérir ; ensemble des moyens qui concourent à cette action.
Et la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur en donne la définition suivante :
Pour l’application de la présente loi, est considérée comme publicité, toute communication ayant comme but direct ou indirect de promouvoir la vente de produits ou de services … quel que soit le lieu ou les moyens de communication mis en œuvre.
Si nul ne contestera que des annonces dans la presse ou dans des annuaires constituent de la publicité, il faut s’intéresser à deux phénomènes plus récents, à savoir : les interviews ou les articles dans la presse d’une part, et les sites web de l’autre.
En ce qui concerne les interviews et autres articles dans la presse, la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) siégeant à Strasbourg a tranché, certes dans un cas d’espèce mais extrêmement représentatif (Affaire BARTHOLD c. ALLEMAGNE – Arrêt du 25 mars 1985).
Un vétérinaire allemand, le Dr Sigurd BARTHOLD, avait fait certaines déclarations à un journal de Hambourg après avoir soigné un chat en dehors des heures de service. L’article indiquait le nom du vétérinaire, reproduisait sa photo et précisait qu’il dirigeait une clinique.
En application des règles déontologiques propres aux vétérinaires et interdisant la publicité, les juridictions allemandes avaient fait, sous peine d’amende ou de détention, interdiction au Dr BARTHOLD de répéter dans la grande presse les déclarations litigieuses.
Le Dr BARTHOLD avait alors saisi la Commission* de la CEDH pour violation des plusieurs articles de la Convention de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, et notamment de son article 10 (Liberté d’expression), lequel dispose :
1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n’empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d’autorisations.
2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire.
Le gouvernement allemand contestait l’applicabilité de l’article 10, car celui-ci ne concernait pas la « publicité » : la Cour a considéré que les déclarations litigieuses constituaient un ensemble au centre duquel figuraient l’expression d’une « opinion » et la « communication » d' »informations » sur un sujet d’intérêt général et qu’on ne pouvait en dissocier les éléments qui, selon les juridictions allemandes, ont un effet publicitaire. Par conséquent, l’article 10 était applicable.
Ensuite, l’arrêt de la CEDH a constaté que l’injonction délivrée par la justice allemande ne ménageait pas un juste équilibre entre les intérêts en jeu : pour la cour d’appel hanséatique, il y a intention d’agir à des fins de concurrence dès lors qu’elle ne s’efface pas entièrement derrière d’autres mobiles. Un critère aussi rigide dans la manière d’aborder le problème de la publicité des professions libérales ne cadre pas avec la liberté d’expression ; son application risque de décourager les membres de ces professions de contribuer à la discussion publique des questions concernant la vie de la collectivité, pour peu que pareille contribution ait des chances de passer pour produire quelque effet publicitaire. Par là même, elle est de nature à entraver la presse dans l’accomplissement de sa tâche d’information et de contrôle**.
L’Allemagne fut donc condamnée…
Plus près de nous – dans le temps et dans l’espace – on se souviendra de la pantalonnade que fut la plainte de l’INAMI contre le dentiste liégeois Pierre-Yves LOISEAU, accusé… d’avoir donné une interview à un journaliste (sic).
Ce dentiste avait été auditionné pendant une heure et demie par la police judiciaire fédérale. Son crime ? « Avoir autorisé » la publication d’un article dans le quotidien La Meuse dénonçant l’inexistence d’un service de garde dentaire. Le parquet de Liège avait été saisi sur plainte de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI).
Tout était parti d’une banale extraction dentaire. Quelques heures après l’intervention assurée par un dentiste verviétois, le patient concerné constate qu’il souffre d’une hémorragie et se rend aux urgences du Centre hospitalier de Verviers. Sa situation empire, sa tension baisse, mais l’hôpital ne dispose pas d’un dentiste de garde. Le service décide de l’évacuer en ambulance, vers Liège, où le patient est pris en charge par le cabinet de dentisterie sociale du dentiste LOISEAU.
La Meuse et Le Soir relatent l’incident, fin juillet 2007, évoquant les risques liés à l’absence de service de garde et donnant la parole, non seulement au dentiste LOISEAU , mais aussi à Claude DEGAUQUE, directeur médical de l’hôpital de Verviers, et à Michel DEVRIESE, de la Société de médecine dentaire.
Le 4 septembre – plus d’un mois après la publication des articles -, un médecin-inspecteur de l’INAMI, Jean-Louis ERNOTTE***, dresse procès-verbal : il y aurait, à ses yeux, infraction aux dispositions qui interdisent notamment la publicité en matière de soins dentaires !
Deux mois plus tard, le dentiste LOISEAU est convoqué au palais de Justice de Liège, dans le cadre d’un dossier ouvert par le Premier substitut DULIEU… Le justiciable n’en revient toujours pas : « Je réponds aux questions d’une journaliste, je dénonce les effets dramatiques de l’absence de garde dentaire, et je me retrouve à devoir justifier mes propos pour “publicité illégale”, sous prétexte que j’aurais “autorisé la publication d’un article”, comme si cette décision dépendait de moi ! »
Le cabinet d’avocats qui défend les intérêts du dentiste, estime que « les faits reprochés ne constituent pas une violation des dispositions citées » par l’INAMI : « Il ne s’agit pas, en effet, de “publicité” poussant à la consommation de soins de santé (…), mais de l’expression d’une opinion et de la diffusion d’informations objectives visant à susciter la réflexion ». La Cour européenne de Strasbourg a d’ailleurs confirmé, à plusieurs reprises, le droit des titulaires de professions médicales et paramédicales « à s’exprimer dans la presse à propos de questions d’intérêt général et ce indépendamment des éventuelles retombées publicitaires »****.
Quelques mois plus tard, la députée fédérale Muriel GERKENS interpellait l’éphémère ministre de la Santé publique du moment – un certain Didier DONFUT :
CRIV 52 COM 038 CHAMBRE DES REPRESENTANTS DE BELGIQUE COMMISSION DE LA SANTE PUBLIQUE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DU RENOUVEAU DE LA SOCIETE – Mardi 4/12/2007
08. Question de Mme Muriel Gerkens au ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargé des Affaires européennes, sur « la plainte déposée par l’INAMI contre un dentiste social pour publicité » (n° 333)
08.01 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen !) : Monsieur le ministre, il est vrai que la question trouve son origine dans un fait individuel mais elle ne sera pas relative à cette situation particulière.
En lisant un article du journal « Le Soir » du 8 novembre, on voit que l’INAMI a déposé une plainte contre un dentiste qui est bien connu dans la région liégeoise pour son cabinet de dentisterie sociale.
Il lui est reproché d’avoir répondu à un journaliste et autorisé ce dernier à publier un article relatant le fait qu’un patient n’a pu se faire soigner en urgence dans un hôpital verviétois faute de garde en dentisterie et a donc dû se rendre au cabinet de dentisterie liégeois en ambulance médicalisée.
Je suis étonnée par cette réaction de l’INAMI et de cet inspecteur qui me semble bien motivé par le respect des règles de non-publicité imposé aux acteurs de la santé. Cette manière de faire respecte-t-elle bien les propos et l’esprit de la loi relative à la publicité des acteurs de soins de santé ?
Dès lors, j’aurais voulu savoir si l’INAMI avait déjà déposé des plaintes pour ce motif de publication d’un article où un acteur de la santé s’exprime sur un service de garde existant ? Dans l’affirmative, quels en ont été les jugements ? Sinon, s’agit-il d’une interprétation abusive ? Si tel est le cas, existe-t-il un système de vérification minimal au sein des instances de l’INAMI pour éviter de mobiliser inutilement des budgets en frais de justice pour des procès qu’on sait perdus d’avance ? D’ailleurs quel est le budget qui est consacré à des procès perdus ?
Quel est le nombre de plaintes déposées par l’INAMI relatives à des publicités non autorisées ? Quelques jours plus tard, j’ai pris connaissance dans « Le Soir » que, jamais, aucune plainte n’avait été déposée pour ce motif-là. Si vous disposez d’autres informations, quels sont les motifs plus précis invoqués dans ces plaintes relatives à la publicité ?
08.02 Didier Donfut, ministre : Madame la présidente, la loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires interdit la publicité directe ou indirecte en vue de soigner les affections, lésions ou anomalies de la bouche et des dents. Sont notamment prohibés les communiqués de presse, les informations radiophoniques ou télévisuelles. Elle sanctionne le non-respect de ces obligations d’une amende de 500 à 1.000 francs et précise que si le contrevenant est une personne habilitée à pratiquer l’art dentaire, le juge pourra en outre lui interdire la pratique pendant une période d’un mois à deux mois.
Par ailleurs, l’article 127 de la loi relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités coordonnée le 14 juillet 1994 interdit la publicité qui mentionne la gratuité des prestations de santé ou qui fait référence à l’intervention de l’assurance dans le coût de ces prestations. Cette même disposition interdit aussi toute publicité, quel que soit le moyen utilisé, qui privilégie certains dispensateurs de soins.
En l’occurrence, la commission médicale provinciale de Liège a saisi le service d’évaluation et de contrôle médicaux de diverses plaintes pour publicité illégale à charge d’un cabinet dentaire. Invité à s’expliquer devant la commission médicale provinciale, le dentiste a invoqué le délai de préavis trop bref pour ne pas répondre à la convocation. La commission a donc dénoncé les faits au service et au vu des éléments communiqués, on ne peut s’empêcher de penser que tout prétexte est bon à l’intéressé pour se mettre en évidence. Ainsi, le journal « La Meuse » du 13 janvier 2007, dans la rubrique Faits divers, relate l’existence de faux billets de 5 euros en circulation à Liège, dont un spécimen a été trouvé dans le cabinet de ce dentiste. Interviewé, le dentiste saisit l’occasion pour rappeler que le patient peut bénéficier de soins dentaires pour 4 euros.
De même, à propos du patient transporté en ambulance médicalisée vers son cabinet, faute de service de garde organisé dans un hôpital verviétois, l’article de presse mentionne en encart, une fois de plus, que le patient qui vient voir le médecin ne doit payer que 4 euros, le reste étant payé par la mutuelle, sans avancer l’argent.
Tout ceci ne sont que des exemples de publicité insidieuse diffusée par ce dentiste. Il n’y a donc aucune interprétation abusive de la part de l’inspecteur de l’INAMI à propos de faits constitutifs d’infraction manifeste.
Quant aux frais de justice engagés par l’INAMI, il importe de souligner que les faits communiqués au parquet sont toujours solidement argumentés et fondés sur des suspicions sérieuses. Les plaintes en cause débouchent donc, dans la plupart des cas, sur des poursuites et des sanctions pénales.
Cette procédure de dénonciation des faits au parquet sur la base de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, n’engendre pas de frais pour l’assurance maladie-invalidité. Il est rarissime qu’une pareille procédure doive être utilisée pour des publicités interdites. Dans l’immense majorité des cas, les dispensateurs en infraction se conforment à la loi après avoir reçu un avertissement. Ce n’est que dans des cas d’abus manifestes et répétés, comme c’est le cas pour ce dentiste, que l’INAMI est contrainte d’user de tous les moyens à sa disposition pour faire respecter la loi.
08.03 Muriel Gerkens (Ecolo-Groen !) : Monsieur le ministre, selon vos informations, d’autres plaintes pour non-respect des règles de publicité ont été traitées. Dans ce cas, la réponse donnée par des fonctionnaires de la Santé publique aux journalistes m’étonne. En effet, ceux-ci disent qu’il n’y a encore jamais eu de plaintes en la matière. La loi est peut-être à revoir. De quelle manière peut-on attribuer le tort ou la responsabilité au prestataire de soins quel qu’il soit en fonction d’un fait relaté par un journaliste ?
Entre un fait relaté par un journaliste et la responsabilité de l’acteur de soins, il n’est pas toujours évident de faire la différence, pas plus que ce ne l’est au niveau de l’information publicitaire. Mais ce qui m’inquiète, c’est que l’administration a apparemment répondu qu’aucune plainte n’avait jamais été déposée à ce propos.
08.04 Didier Donfut, ministre : Madame Gerkens, je demande à M. Pelt ( ? ) de vous fournir quelques éléments de réponse complémentaires. Étant donné son expérience antérieure, il connaît bien ce qui se passe au niveau de l’INAMI.
08.05 M. Pelt : Madame, il est inexact de dire qu’aucune plainte n’a été déposée. En fait, la plupart d’entre elles peuvent effectivement se régler assez rapidement à l’amiable. L’INAMI intervient dans ce genre de dossier selon une règle qui est équilibrée et qui vaut pour tous les modes de publicité. Il appartient aux organismes assureurs d’assurer l’information des patients sur la tarification de tel ou tel prestataire et non aux prestataires.
Je peux vous comprendre en ce qui concerne les propos relatés dans un article de presse. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de l’interview d’un dentiste. De toute manière, l’INAMI dépose une plainte avec des éléments constitutifs de plainte. Cela ne vaut pas encore condamnation du prestataire. Il incombe à l’INAMI de confectionner un dossier contenant une série de suspicions de violation de la loi. Ensuite, les autorités compétentes trancheront quant à savoir si le dossier est fondé et complet.
Quant aux sites web de dentistes, ils explosent littéralement : s’agit-il d’une nouvelle manière de carte de visite, permettant de connaître les noms des prestataires, leurs horaires, les disciplines pratiquées et de visualiser l’intérieur du cabinet ou s’agit-il de « publicité » ?
A s’en tenir strictement au critère de la loi du 15 avril 1958, certains sites web comportent indéniablement un élément publicitaire, mais la société dans son ensemble n’a-t-elle pas évolué en soixante-deux ans ? Internet ne crée-t-il pas une culture nouvelle, celle du « virtuel » ?
C’est le sociologue canadien Marshall McLuhan qui, le mieux, a anticipé la révolution Internet*****.
L’idée maîtresse que l’on retrouve à travers les ouvrages de McLuhan tient en une seule phrase : « Le message, c’est le médium ».
McLuhan situe le message non pas dans le seul sens exprimé par l’émetteur, mais dans la combinaison unique de l’effet message/média. Ainsi, l’expérience vécue du média utilisé (téléphone, Internet, etc.) est remise au premier plan, subordonnant le message au média et inversant ainsi la traditionnelle opposition fond/forme.
Dans le « Village Global » de McLuhan, l’essentiel n’est plus ce que l’on communique, mais bien le fait de communiquer… il suffit de s’intéresser aux très nombreux forums de discussion présents sur le net pour s’en convaincre !
Ainsi le site web du dentiste peut-il être considéré comme son prolongement, son alter ego virtuel, continuellement branché sur le monde – c’est-à-dire membre du « Village Global ».
Il faut, pour être complet, évoquer le phénomène Google et ses répercussions parfois inattendues.
Ce moteur de recherche est si puissant qu’une information anodine sur un site peu fréquenté peut apparaître à l’occasion de certaines recherches… et ainsi donner une impression d’exposition disproportionnée, voire des résultats ne correspondant pas du tout à la requête initiale.
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* A cette époque, une Commission filtrait les requêtes adressées à la CEDH…
** Ce passage doit beaucoup à l’excellent recueil de jurisprudence de la CEDH de Vincent Berger aux éditions Dalloz (2004)
*** Ce personnage est une célébrité locale : voir à cet égard le site du dentiste Guy Cotton ; il a d’ailleurs été amené à démissionner de ses fonctions en janvier 2010, cf. MB du 27.01.2010…
**** Extrait de l’article de Ricardo Gutiérrez, paru dans Le Soir du 8 novembre 2007
***** Qu’il ne devait du reste jamais connaître, puisqu’il est décédé en 1980 (la plupart de ses œuvres datent des années 60)
20 mai, 2014 at 13:26
Le nouveau « code de droit économique », dont certaines dispositions sont déjà entrées en vigueur le 9 mai 2014, consacre en Belgique plus sûrement encore la règle de la liberté d’entreprendre, en ce compris au bénéfice des « entreprises » que sont les dentistes, ce qui n’est pas ou ne peut être sans influence sur les interprétations qu’il y a lieu à donner à la loi du 15 avril 1958. Il faudra probablement dorénavant tenir compte de la reconnaissance des dentistes comme entreprises soumises comme d’autres à la concurrence alors qu’elles bénéficient de la liberté d’entreprendre. Il faudra se poser la question de savoir si telle ou telle restriction à ces prérogatives, droits et nécessités sont encore admissibles au regard des évolutions ? Alexis Ewbank, avocat.