« Co-responsabilité d’une personne morale vis-à-vis du SECM »
QUESTION :
Dr Bourguignon, bonjour,
Je suis le gérant d’un cabinet dentaire à quatre unités de traitement dans lequel prestent quatre collaborateurs.
Dans le cadre de la gestion du risque lié aux missions du SECEM (sic), je me pose la question suivante :
Quel est le risque de voir la société ou son gérant devoir supporter des griefs qui sont portés à la responsabilité de ses collaborateurs ?
Autrement dit, l’INAMI considère-t-elle l’institution de soins ou son gérant comme co-solidaire des manquements à l’application de la réglementation en matière de soins dentaires à savoir le remboursement de l’indu ou d’une amende ?
Le gérant est-il responsable des soins et traitements administrés par ses collaborateurs ? L’INAMI peut-elle interroger le gérant sur les dossiers et les traitements des patients de ses collaborateurs?
Ma société perçoit l’entièreté des honoraires prestés par chaque dentiste et les redistribue au prorata des us et coutumes de la collaboration entre confrères.
D’avance je vous remercie de l’attention que vous voudrez bien porter à ces questions, et vous prie d’agréer, Dr Bourguignon, mes respectueuses salutations.
REPONSE :
Il convient de distinguer la solidarité concernant l’indu perçu en tiers-payant et la responsabilité en tant que « personne assimilée à un dispensateur » :
a) Solidarité
La solidarité voulue par l’article 164 de la loi SSI a été traitée dans notre News du 25 mars 2011 intitulée Récupération de l’indu et solidarité : l’art. 164 de la loi SSI
Nous vous prions de vous y référer.
b) Responsabilité
L’article 2 point n) de la loi SSI dispose :
n) par « dispensateur de soins », les praticiens de l’art de guérir, (les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier,) les auxiliaires paramédicaux, les établissements hospitaliers, les établissements de rééducation fonctionnelle et de réadaptation professionnelle et les autres services et institutions; (sont assimilées aux dispensateurs de soins pour l’application des articles 73bis et 142, les personnes physiques ou morales qui les emploient, qui organisent la dispensation des soins ou la perception des sommes dues par l’assurance soins de santé.) <L 1999-12-24/36, art. 55, 2°, 045; Inwerkingtreding : 10-01-2000> <L 2006-12-13/35, art. 89, 123; Inwerkingtreding : 15-05-2007>
Et en version néerlandaise :
n) onder « zorgverlener », de beoefenaars van de geneeskunst, (de kinesitherapeuten, de verpleegkundigen,) de paramedische medewerkers, de verplegingsrichtingen, de inrichtingen voor revalidatie en herscholing en de andere diensten en instellingen; (Worden voor de toepassing van de artikelen 73bis en 142 gelijkgesteld met zorgverleners, de natuurlijke of rechtspersonen die hen tewerkstellen die de zorgverlening organiseren of die de inning van de door de verplichte verzekering voor geneeskundige verzorging verschuldigde bedragen organiseren.) <W 1999-12-24/36, art. 55, 2°, 045; Inwerkingtreding : 10-01-2000> <W 2006-12-13/35, art. 89, 123; Inwerkingtreding : 15-05-2007>
Compte tenu du caractère d’ordre public de la loi SSI, les termes « emploient » ou « tewerkstellen » sont d’interprétation stricte et visent donc exclusivement des travailleurs salariés se trouvant dans un lien de subordination* par rapport à leur employeur.
La version française de l’art. 2 point n) est assez mal traduite** depuis la langue dans laquelle se prennent toutes les grandes décisions en Belgique — à savoir le néerlandais — et doit donc se lire :
n) par « dispensateur de soins », les praticiens de l’art de guérir, (les kinésithérapeutes, les praticiens de l’art infirmier,) les auxiliaires paramédicaux, les établissements hospitaliers, les établissements de rééducation fonctionnelle et de réadaptation professionnelle et les autres services et institutions; (sont assimilées aux dispensateurs de soins pour l’application des articles 73bis et 142, les personnes physiques ou morales qui les emploient (au sens strict de personnel salarié) ET qui organisent la dispensation des soins OU la perception des sommes dues par l’assurance soins de santé.)
Cette disposition vise surtout les centres de soins au sein desquels la direction peut donner des instructions à un personnel salarié ne disposant en principe pas d’une grande liberté thérapeutique, comme des infirmières ou des aides-soignantes (Croix Jaune et Blanche, hôpitaux, MRS, etc.).
Le SECM — et même récemment une juridiction administrative de l’INAMI — font une lecture selon nous abusive de cet article et infligent à des personnes morales des amendes pour les infractions commises par des indépendants (p.ex médecins et dentistes).
Ainsi, la Chambre de recours (francophone) a condamné le 27 juin 2012 une société anonyme à une amende administrative en raison du comportement d’un dentiste.
Le texte de cette décision est plutôt laconique — elle émane du célèbre Philippe LAURENT*** —, si bien qu’on ne sait même pas de quoi il retourne au fond, ni de quelle amende et de quels faits il s’agit exactement.
Les partie appelantes ne se sont pas présentées à l’audience et n’ont introduit aucun recours auprès du Conseil d’Etat, ce qui traduit leur désintérêt envers ces procédures…
Il est à noter que le gérant de la société peut être auditionné par le SECM, mais il ne risque en principe rien, sauf si le dossier prend une allure pénale (faux et usage de faux, détournement de fonds, etc.).
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* C’est-à-dire que l’employeur peut déterminer la manière dont le travail est effectué, au moyen de règlements et autres instructions.
** Le texte original publié au MB de la version néerlandaise — qui est aussi la version originelle — ne comporte aucune virgule entre « hen tewerkstellen » et « die de zorgverlening… »
*** On relèvera que, depuis le 13 septembre 2012, plus aucune décision prononcée par ce magistrat n’est publiée sur le site de l’INAMI…
Télécharger : Décision Philippe Laurent.pdf