SECM et dentisterie : le grand secret
Nous allons vous confier un secret que vous ne répéterez à personne : les grands centres dentaires soignant de nombreux patients immigrés et occupant plusieurs dentistes – eux aussi immigrés* – n’ont plus rien à craindre en matière de contrôles SECM…
Celui-ci a en effet déclaré forfait voici quelques années, en 2007 plus précisément : compte-tenu des problèmes de langue, de l’absence de formation dentaire des médecins-inspecteurs, du nombre impressionnant d’actes attestés, du décalage entre la réalisation des soins et leur comptabilisation** au niveau des OA, de la rotation rapide des dentistes étrangers***, le SECM a jeté l’éponge !
Le SECM ne parvenait tout simplement plus à suivre la cadence…
Cet abandon très confidentiel mais néanmoins officiel au sein des sphères supérieures de l’INAMI a eu trois conséquences :
a) le contrôle de l’écriture du patient a été substitué au contrôle des soins : en comparant d’ASD en ASD l’écriture d’un même patient sur les déclarations SFIOD****, il est possible de déceler des fraudes ;
b) des quotas maximaux de SFIOD (5%) et de TP (75%) ont été instaurés dans le but d’endiguer – ou à tout le moins canaliser – la marée des facturations en tiers-payant ;
c) comme les contrôles des grands centres dentaires ont été abandonnés, pour continuer à manifester sa présence en dentisterie, le SECM a entamé une vague de contrôles bâclés de petits prestataires ;
La crise économique est venue balayer le point b) : l’ensemble de la population belge s’est appauvrie considérablement, si bien que plus personne ne parle actuellement de quotas.
Contrôler des écritures au lieu de contrôler des soins – il faut quand même le faire ! – montre à quoi en sont réduits le SECM ou le SCA (le service du contrôle administratif, qui contrôle les mutuelles où sont entreposées les ASD munies de leurs SFIOD).
Mais le plus dangereux, ce sont ces contrôles bâclés ciblant de petits prestataires isolés : ces derniers mois, nous avons eu l’occasion de défendre plusieurs dentistes faisant l’objet d’enquêtes et de PVC que l’on peut qualifier de « bavures organisées ».
Cela rappelle la réaction excessive de la police lorsqu’elle ne parvient pas à appréhender un criminel : elle passe alors à la démonstration de force, au « show » auprès de la population.
Ainsi, immédiatement après les affaires douloureuses qui ont secoué la Belgique en 1996, la police arrêtait brutalement d’inoffensifs photographes au motif qu’un enfant était présent dans leur champ de vision.
Nous traitons ainsi pour le moment le dossier d’une respectable mère de famille pratiquant à mi-temps dans l’un des endroits les plus défavorisés de Belgique et faisant l’objet d’une « démonstration de force » du SECM qui tourne au ridicule.
Deux inspecteurs du SECM de Mons ont commencé par convoquer des dizaines de patients – pas très contents de devoir consacrer plusieurs heures à cette opération***** – puis les ont auditionnés et photographiés sous toutes les coutures avec une camera intrabuccale, y compris le visage.
Ensuite, ils se sont présentés au cabinet de la dentiste avec tout un attirail bureautique, lui ont présenté les dizaines de photographies intrabuccales sur un ordinateur portable et l’ont longuement auditionnée…
Et puis plus rien !
Pendant plus de sept mois, le dossier a fait dodo, jusqu’au jour où la dentiste a reçu un document extraordinaire : un procès-verbal de constat ne comportant… aucune constatation matérielle !
Complètement dépassés par les nouvelles techniques dentaires – et surtout les discrets composites – les inspecteurs ont renoncé à établir les habituels « constats dentaires » ou à évoquer les dizaines de clichés intrabuccaux qu’ils avaient eux-même pris…
En revanche, ils ont extrait des bouts de phrases des déclarations des patients, faites parfois plus d’un an après les soins, tels que « en général, ma dentiste ne soigne qu’une dent par séance » ou « ma dent était foncée et elle l’a blanchie » pour rejeter des prestations chez… 14 patients.
Quand on lit le PVA du patient dans sa totalité, on voit bien que le patient avoue que la dentiste a soigné « deux voire trois dents » par séance, ou que la dent « foncée » présentait une récidive de carie sur percolation d’obturation, et que le soi-disant « blanchiment » a consisté à « limer », mettre une « pâte » et utiliser une « lumière bleue » : en clair, nettoyer la carie, puis obturer la cavité à l’aide de composite photopolymérisable.
Cette fantaisie – car il faut rappeler que l’inspecteur n’a procédé à aucun constat dentaire, tout simplement parce qu’il n’y connaît rien – va même jusqu’à rejeter des prestations au motif qu’elles seraient à visée esthétique, uniquement parce que le patient déclare que la dentiste a posé le composite « sur » la dent et non « à l’intérieur » de la dent !
Quand on sait qu’il a fallu deux inspecteurs, l’audition de dizaines de patients, d’innombrables photos et douze mois d’enquête – le tout aux frais du contribuable belge ! – pour en arriver à un résultat aussi lamentable chez un dentiste belge travaillant à mi-temps, on voit qu’en effet les grands centres dentaires n’ont vraiment rien à redouter…
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* il s’agit souvent de ressortissants de pays-membres de l’Union européenne, ayant obtenu l’équivalence de leur diplôme
** et encore… l’INAMI ne dispose pas de toutes les données relatives aux prestations d’un dispensateurs : il doit les demander aux sept Unions nationales, ce qui explique qu’un cumul interdit de codes passera totalement inaperçu si le prestataire ne fait pas l’objet d’une enquête pour un autre motif !
*** cette rotation rapide du personnel explique que dans la pratique le dentiste étranger est déjà retourné au pays depuis longtemps quand le SECM a terminé son enquête
**** il s’agit du texte aussi soporifique qu’inutile : « Je déclare sur l’honneur me trouver dans une situation où la réglementation permet l’application du tiers-payant. »
***** ils n’avaient du reste aucune obligation de s’y rendre…