« Etude » du SECM sur les indications des OPG : la plus grande prudence s’impose !
Concernant l' »étude » du SECM sur les indications des OPG, nous écrivions dans notre News du 15 juillet 2010 :
Il s’agit non seulement d’un travail de bénédictin, mais d’un parcours miné : certaines questions relèvent véritablement d’une rouerie ou d’une naïveté peu communes.
Ainsi, le dentiste doit cocher des cases telles que : « Indication de l’OPG = Caries limitées (4 dents maximum) » ou « Indication de l’OPG = En prévision de la pose d’un implant ».
Malheur au dentiste qui coche de telles cases, car dans le premier cas il reconnaît que le diagnostic de caries était déjà posé – et par conséquent que la pano était inutile (on ne prend pas un cliché panoramique pour confirmer un diagnostic de carie !) – et dans le second cas il avoue que l’OPG s’inscrit dans le cadre d’un acte non remboursé par l’INAMI.
Voici d’autre part ce que le Prof. Pierre DAMSEAUX (ULB) avait – entre autres – à dire au sujet de l’OPG :
La radiographie panoramique des maxillaires est une tomographie, examen qui par sa nature même induit un léger flou dans les images. Son avantage est, étant globale, d’être un excellent examen de dépistage. Les clichés intra-buccaux sont des clichés directs dont la précision est bien meilleure. Il est donc régulièrement justifié d’effectuer un panoramique et de préciser certaines suspicions par des clichés intra-oraux. C’est même systématiquement le cas pour les caries interdentaires débutantes.
Attention : l’indication est le motif qui conduit à prescrire l’examen et non le diagnostic que ce dernier permet de poser ; en aucun cas l’indication ne peut-elle s’entendre de manière rétrospective (« la pano a mis en évidence des caries, donc la justification de l’OPG était la présence de caries »).
Ainsi, si le dentiste veut savoir si un patient présente des caries interdentaires inaccessibles à la vue et à la sonde, il réalise à cette fin un cliché panoramique ; de même s’il désire savoir si le patient présente une ostéite alvéolaire.
Cependant, l’indication de l’OPG dans ces deux derniers exemples n’est certainement pas « caries » ou « ostéite », puisque le dentiste n’a pas pu poser ce diagnostic lors de la prescription de l’examen. Tout au plus pourrait-on parler de « recherche de caries » et de « suspicion d’ostéite alvéolaire ».
En introduisant dans une « étude » réalisée à grande échelle comme indications d’OPG des conditions telles que « Caries étendues » ou « Caries limitées (4 dents maximum) », le SECM inquiète vivement : soit il s’agit de sa part d’incompétence coupable, soit nous avons à faire à un véritable Machiavel qui entend ni plus ni moins « piéger » les dentistes sur une question de terminologie médicale.
En effet, dès lors que le diagnostic de caries est posé – de visu et/ou à la sonde* – un OPG n’apporte strictement rien à cet égard et peut donc être considéré comme une prestation « superflue ou inutilement onéreuse » aux termes de l’article 73 § 1er de la loi SSI (« surprescription »).
Art. 73. § 1er. Le médecin et le praticien de l’art dentaire apprécient en conscience et en toute liberté les soins dispensés aux patients. Ils veilleront à dispenser des soins médicaux avec dévouement et compétence dans l’intérêt et dans le respect des droits du patient et tenant compte des moyens globaux mis à leur disposition par la société.
Ils s’abstiennent de prescrire, d’exécuter ou de faire exécuter des prestations superflues ou inutilement onéreuses à charge du régime d’assurance obligatoire soins de santé et indemnités.
Les arguments suivants militent en faveur de la thèse d’un contrôle assez retors, déguisé en « étude » :
a) le SECM compte beaucoup de docteurs en médecine, mais aucun dentiste « pur » ; or, le médecin est, par sa formation, plus habitué à raisonner strictement et ne confondrait jamais de bonne foi « indication » et « diagnostic »** ;
b) le nombre de questionnaires envoyés (une vingtaine par dentiste) correspond au nombre de patients sélectionnés pour les contrôles répressifs menés par le SECM : en langage technique, cela s’appelle une « sélection aléatoire » ;
c) dans la section « Infos-Dentistes » de son site web, la Société de Médecine Dentaire (SMD) consacre un long article à l' »étude » du SECM sur les OPG : manifestement, elle possède des informations d’initié, ce qui est logique puisqu’elle compte un délégué au sein du Comité du SECM (l’organisme chargé de « superviser » le SECM). Or – et c’est bien ce qui inquiète -, la SMD évite soigneusement d’aborder le sujet des caries (toutes les autres questions sont traitées…) ;
d) contrairement à ce qu’écrit la SMD : « Les praticiens qui ont reçu ce questionnaire ont été sélectionnés sur base aléatoire. Il ne s’agit pas des praticiens les plus gros consommateurs de pano. », nous avons pu constater qu’aucun « petit » ou « moyen » prestataire n’a reçu le questionnaire relatif aux indications de l’OPG…
e) enfin et surtout, le SECM ne fait pas souvent des « études » : la dernière en date remonte à 2006 et portait sur les quinolones*** ;
Si cette thése s’avère exacte, le SECM extrapolera les résultats de l’étude à l’ensemble des OPG, via un procès-verbal de constat (PVC) faisant foi, à charge pour le dentiste d’apporter la preuve contraire.
Autrement dit, si sur 20 questionnaires cinq font état de caries à titre d’indication de la pano, le SECM rejettera 25% des OPG réalisés par le dentiste !
Une autre chose à laquelle il faut être attentif, c’est la question des velléités du patient de se faire extraire une dent de sagesse ou de suivre un traitement orthodontique : ainsi, écrire qu’en 2008 et en 2009 une pano a été réalisée parce que le patient a voulu se faire extraire la même dent de sagesse est risqué : il n’est pas certain que le SECM acceptera que le patient n’a pas voulu se faire soigner en 2008 ; idem pour l’othodontie « planifiée ».
Finalement, rappelons que c’est toujours le dentiste qui prescrit l’OPG et non le patient : écrire que la pano a été réalisée à la demande du patient – quelle que soit la raison invoquée – revient à la considérer comme médicalement injustifiée.
A noter que nous avons un nouvel inspecteur général (néerlandophone), le Dr Claude VANNIEUWENHUYSE, lequel pourrait fort bien avoir une nouvelle conception du contrôle SECM, nettement moins chronophage !
Quoi qu’il en soit, ce nouvel inspecteur général semble éprouver des difficultés à séparer le français du néerlandais, puisqu’il faut renvoyer le questionnaire au « RIZIV – SECM » et qu’on peut s’adresser à son « office manager » (sic) à l’adresse carl.michiels@riziv.fgov.be…
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* Voire grâce à une radiographie intra-buccale.
** Ainsi, l’indication d’un abdomen à blanc serait « occlusion intestinale » et non « cancer du côlon », ce dernier diagnostic nécessitant la réalisation d’un lavement baryté ou d’une endoscopie ; nous avons aussi pu constater personnellement que les dentistes confondent aisément la motivation de l’OPG et son résultat.
*** Il s’agissait en réalité d’une opération de « public relations » destinée à redresser l’image du SECM auprès des généralistes, considérablement écornée par l’affaire MASSAUT : inutile de dire que l’étude sur les quinolones fut un fiasco total en termes de communication…