Défense collective versus défense individuelle de la profession
L’environnement professionnel d’un dispensateur de soins devient de plus en plus complexe et hostile…
Si jadis l’Ordre des Médecins et sa justice paternaliste inspiraient la terreur, c’est à présent l’INAMI – et singulièrement son Service du Contrôle médical (SECM) à la sinistre réputation – qui occupent la place centrale parmi les dangers guettant chaque médecin et chaque dentiste : les amendes administratives ont succédé au déshonneur professionnel !
Les neurologues et les dentistes* sont bien placés pour le savoir, qui viennent d’être placés sous monitoring en raison d’un taux de prescription de potentiels évoqués ou de réattestation trop élevé ! Et les conséquences financières peuvent être gravissimes, puisque la loi SSI permet à l’INAMI de récupérer l’intégralité de son intervention, augmentée d’une amende carabinée.
Ce qu’il faut souligner à cet égard, c’est l’illusion profonde que certains se font quant à la protection qu’ils peuvent attendre de leur syndicat : une telle organisation représentative s’occupe de défense collective et non de défense individuelle de la profession.
En effet, contrairement à une croyance répandue, les syndicats médicaux ou dentaires ne fonctionnent pas selon le modèle des syndicats classiques pour salariés comme la FGTB ou la CSC, qui vont assigner en justice le « méchant » patron en cas de licenciement : sauf cas tout à fait exceptionnel**, aucun syndicat médical ou dentaire ne défendra jamais un prestataire visé par une enquête – et à plus forte raison une procédure – de l’INAMI.
Pourquoi ?
Pour une raison très simple à comprendre : le prestataire inquiété par le SECM est nécessairement suspect d’avoir voulu tricher avec le système mis au point… par les syndicats eux-mêmes ou avec leur aval : ce sont d’ailleurs des syndicalistes qui siègent dans les juridictions administratives chargées de juger leurs confrères – Chambres de première instance (CPI) et de recours (CR) de l’INAMI – et ce sont encore des syndicalistes qui siègent dans les Commissions des profils et au Comité du SECM !
Autrement dit, lorsque vous vous confiez à un aimable syndicaliste – dont vous pensez qu’il va vous défendre contre la toute-puissance de l’INAMI – vous parlez peut-être… à votre futur juge !
Certains en ont fait l’amère expérience, particulièrement en dentisterie où sévit un personnage omniprésent*** : il est tout, il fait tout… dans son syndicat, à l’INAMI, dans les médias, au sein des juridictions du SECM…
Comme le syndicat n’a envie de perdre ni un affilié ni une cotisation, il va orienter le prestataire poursuivi par l’INAMI vers un avocat qui ne possède aucune expérience comme clinicien****, mais qui va le « prendre en charge » – aux frais dudit prestataire – jusqu’à sa condamnation : nous sommes quelque part dans le symbolique : ce qui compte est que le dispensateur ait l’impression d’être soutenu par son syndicat et défendu par son avocat.
En réalité, le médecin ou le dentiste en question a tout simplement été mis aux oubliettes… presque toujours chez le même avocat, jusqu’au moment où le représentant de son syndicat, siégeant à la CPI, le condamnera.
Ce système fonctionne depuis des lustres, à la plus grande satisfaction de toutes les parties concernées : le syndicat a bien aidé son membre, l’INAMI a bien récupéré son argent… et le prestataire a bénéficié du secours d’un avocat fantastique, lui permettant de maudire le SECM – qui n’a rien compris à sa défense !
Résumé :
En principe, les syndicats médicaux ou dentaires se cantonnent à la défense collective des médecins ou des dentistes, action qui a lieu essentiellement en médico- ou dento-mut, et agrémentent cette défense collective de quelques avantages ou informations à l’intention de leurs membres cotisants (assurances, bulletin, etc.).
Cependant, toute assimilation de ces organisations aux syndicats des salariés serait vaine du point de vue de la défense individuelle : le prestataire est tout simplement orienté à ses frais vers un avocat – presque toujours le même – et sera condamné par les juridictions de l’INAMI, où siègent les représentants de ces mêmes organisations représentatives…
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* Les dentistes sont particulièrement visés pour le moment : enquête sur les panos, CNDM, CIN, mise sous monitoring pour excès de réattestation, demande de contrôle a posteriori portant sur les Rx intrabuccales…
** Le seul cas récent où un syndicat se soit mobilisé pour la défense individuelle d’un prestataire fut l’affaire MASSAUX, du nom de cette généraliste contrôlée en 2005 par le SECM pour prescription abusive de Spiriva® (et qui n’était d’ailleurs même pas syndiquée au moment des faits) : il faut dire que les généralistes wallons s’étaient émus de cette affaire pratiquement jusqu’à l’émeute avant que l’ABSyM ne bouge…
*** Cette personne, intelligente et sans doute sincère dans sa démarche, semble avoir complètement perdu de vue qu’un juge se doit de respecter un devoir de réserve et surtout qu’un rôle juridictionnel ne se confond pas avec une action syndicale.
**** Ce n’est pas une critique : la médecine ne s’apprend pas dans les livres ; nous n’avons que très rarement vu un avocat contester au fond un PVC, une note de synthèse, etc., ce qui impliquerait des connaissances médicales : le plus souvent, l’avocat se contente de rappeler quelques grands principes, tels que le dépassement du délai raisonnable, la bonne foi, l’unité d’intention, etc. – moyens inopérants devant des juridictions administratives composées de médecins et de dentistes – et de plaider sur la peine.