Les dentistes abuseraient des « panos »
Soir 14/08/13
Les 5.000 dentistes du Royaume fulminent… Ils s’attendent à de nouvelles restrictions dans l’usage des radiographies dentaires panoramiques : elles pourraient bientôt ne plus être remboursées que tous les deux ans, contre une fois par an actuellement. En cause : une étude (controversée) qui estime que plus de 400.000 radiographiques, chaque année, sont « indûment attestées », voire « douteuses ». Ce qui représenterait un coût « inutile » de 13 millions par an, pour la collectivité. La police des soins de santé (le SECM, ou Service d’évaluation et de contrôle médicaux de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité) a mené l’enquête pendant près de trois ans sur l’usage des clichés panoramiques dans les cabinets dentaires. Les experts constatent qu’en six ans, le nombre de prestations « a augmenté de 255.313 unités, soit une hausse de 42,18%». Après analyse des circonstances qui incitent les dentistes à effectuer une radiographie panoramique, les médecins-inspecteurs du SECM évaluent le nombre de prestations « indûment attestées » à plus de 318.000 par an. Ils y ajoutent 118.000 radios panoramiques « douteuses quant à leurs indications », soit une dépense annuelle totale de 13.620.845,99 euros qui pourraient être évitée. Les médecins-inspecteurs du SECM insistent : à les entendre, 77 % des radiographies panoramiques vérifiées sont « non conformes » ou « douteuses », principalement parce qu’elles sont effectuées soit dans le cadre d’un examen général de la bouche (68 % des prestations), soit pour détecter des caries (46 %), soit dans le contexte d’un premier contact avec le patient (36 %). Le SECM suggère de limiter le remboursement des radiographies dentaires panoramiques à une série d’indications « conformes », comme les problèmes de dents de sagesse, les traumatismes dentaires (lésions causées par un choc), l’orthodontie, la pose d’un implant… Les inspecteurs proposent aussi de limiter la répétition de la radiographie panoramique effectuée pour une même indication : elle ne serait plus remboursée qu’une fois tous les deux ans, contre une fois par an. A la Société de médecine dentaire (SMD), on ne conteste pas l’augmentation du nombre de radiographies : « Certains praticiens font tourner la “pano” comme une planche à billets : radiographie systématique à tout nouveau patient, radiographie prise par l’assistant (ce qui est interdit !), radiographie prise avant même un examen clinique, radiographie refaite systématiquement chaque année, etc. » En revanche, l’association professionnelle conteste l’appréciation de « conformité » ou de « non-conformité » posée par les inspecteurs du SECM : « Les prétendues recommandations scientifiques internationales qu’ils avancent n’ont pas fait l’objet d’une quelconque adoption par une quelconque instance. » « Le SECM avance qu’il est “impossible d’expliquer pourquoi le nombre de prestations de radiographies panoramiques augmente chaque année” ; il prouve ainsi qu’il fonctionne en dehors des réalités, commente un médecin, responsable d’un service de tarification médicale : La hausse constatée n’a strictement rien à voir avec de prétendus abus, mais est tout simplement imputable au progrès technologique… On est passé d’appareils analogiques aux appareils digitaux capables de livrer une pano numérique en moins de deux minutes. Est-il étonnant que le nombre de “panos” ait augmenté ? » Sur le terrain, beaucoup de dentistes fustigent l’inadéquation des conditions de remboursement, qui n’autorisent pas la « pano » effectuée en vue de disposer, dans le dossier de chaque patient, d’une sorte de cartographie de sa bouche et de ses dents. « C’est en fait l’usage le plus commun de la “pano”, très utile pour objectiver des soins ultérieurs, commente un dentiste. Ce qui est anormal, c’est que cet usage ne soit pas remboursé. » ■ RICARDO GUTIÉRREZ