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Nouvelle victoire d’un dispensateur défendu par Securimed

24 avril, 2014 by Dr R. BOURGUIGNON

En matière de justice administrative de l’INAMI, plus on monte dans la hiérarchie des juridictions, plus on a de chances de rencontrer des juges impartiaux et donc d’obtenir une décision juste.

L’arrêt N°227.073 du 9 avril 2014 (inédit) du Conseil d’Etat, dont nous reproduisons ci-dessous un extrait, illustre bien ce propos.

Il s’agit d’un dentiste qui avait été condamné en 2009 par la CPI de Michel DEVRIESE de la Société de Médecine Dentaire (SMD), puis en 2012, en degré d’appel, par le célèbre Philippe LAURENT, ce président de la Chambre de recours de l’INAMI nommé par Laurette ONKELINX… et qui recopiait intégralement les conclusions du SECM.

Philippe LAURENT — qui a, depuis, été écarté — avait méconnu presque toutes les obligations légales qui s’imposaient à lui (la requête en cassation administrative reposait sur pas moins de six moyens !) et le Conseil d’Etat a bien évidemment cassé sa décision, en n’examinant que le premier moyen, déclaré fondé en ses cinq branches.

Il est à noter que le Conseil d’Etat n’est pas à proprement parler une juridiction de l’INAMI, mais que son contrôle porte sur la légalité des décisions des juridictions administratives de l’INAMI.

Et en cette matière, il reste encore beaucoup à faire !

Toujours est-il qu’après des années de procédure — un véritable marathon judiciaire — le dispensateur concerné peut à nouveau croire en la Justice…

IV. 2. Décision du Conseil d’Etat

L’article 149 de la Constitution impose une obligation de forme, indépendante de la pertinence des motifs, et requiert l’indication des motifs sur lesquels la juridiction s’est fondée pour rendre sa décision, sans qu’elle doive répondre point par point à tous les arguments invoqués par les parties.

Toutefois, il y a lieu de considérer que si une partie invoque spécialement un argument de nature à justifier la validité de sa thèse, la juridiction doit faire apparaître, dans les motifs de sa décision, la raison pour laquelle elle n’en tient pas compte.

Le premier moyen critique la motivation de la décision litigieuse. Cette critique qui porte sur plusieurs éléments contient un point commun aux cinq branches du moyen, à savoir 1’absence de réponses adéquates aux griefs émis par le requérant quant à l’application en l’espèce de la méthode dite de l’extrapolation.

Dans la deuxième branche de ce moyen, le requérant soutient ainsi que la chambre de recours n’a pas répondu à ses nombreux arguments mettant en cause la méthode d’extrapolation du S.E.C.M. et notamment ceux repris dans ses conclusions additionnelles. Il fait aussi observer que la décision  attaquée reproduit des « pans entiers de conclusions du SECM antérieures » à ses conclusions additionnelles.

Dans la troisième branche, le requérant fait valoir que pour justifier le bien-fondé et le caractère probant de la technique statistique de l’extrapolation, la chambre de recours se réfère, d’une part, à la validation de cette technique par une de ses décisions récentes inédites dont elle cite un extrait et se fonde, d’autre part, sur des considérations empruntées à la chambre de première instance qu’elle dit faire siennes.

Dans la quatrième branche du moyen, le requérant critique la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne deux éléments de base de mise en œuvre de la méthode d’extrapolation, à savoir la sélection des patients et le choix de l’échantillon faits par le S.E.C.M.

Dans la cinquième branche, le requérant met plus particulièrement en cause la motivation de la décision attaquée quant à l’incorporation des cas prescrits dans l’échantillon.

Sur les quatre branches susvisées du premier moyen, il est exact que la décision de la chambre de recours ne contient que deux arguments qui lui sont propres et que pour le reste, elle reprend les considérations émises par la chambre de première instance.

Les deux arguments de la chambre de recours sont les suivants:
– la technique de l’extrapolation a été validée par une décision du 8 juin 2009 de la chambre de recours;
– l’appelant n’apporte pas d’éléments nouveaux par rapport à ceux déjà exposés oralement par son conseil lors de l’audience de la chambre de première instance.

Pour ce qui concerne le premier de ces arguments, la circonstance que la technique en cause ait déjà été « validée » par la chambre de recours n’est pas en soi suffisante pour rejeter l’argumentation du requérant. Ceci d’autant plus que, selon l’extrait cité de la décision du 8 juin 2009, la chambre de recours s’était alors fondée sur les faits propres au litige en cause et, plus spécialement, sur le fait que l’appelant ne pouvait produire des éléments probants à l’appui de sa thèse.

Quant au second argument énoncé par la chambre de recours dans la décision attaquée, si le Conseil d’Etat ne peut substituer son appréciation à celle de la chambre de recours quant aux éléments de preuve présentés par le S.E.C.M., il faut cependant rappeler qu’en l’absence de toute norme législative ou réglementaire autorisant l’INAMI à recourir à la méthode de l’extrapolation, il appartient au Conseil d’Etat de vérifier que la chambre de recours a bien tenu compte des arguments du requérant quant à la manière dont la partie défenderesse a procédé à la mise en œuvre de cette méthode.

Comme le requérant le soutient, la décision litigieuse contient des passages entiers des conclusions additionnelles de la partie défenderesse (pièce n° 23 du dossier administratif). Ainsi, les points « 7. Sélection des patients – choix de l’échantillon » et « 8. Incorporation de cas prescrits dans l’échantillonnage » de la partie « C. Analyse » de la décision litigieuse reproduisent intégralement, quasiment au mot près, les points 4.1 à 4.5 et 5 des conclusions additionnelles de la partie défenderesse. Or, ces conclusions de la partie défenderesse sont antérieures à celles du requérant et la chambre de recours n’y fait pas écho ne serait-ce que pour indiquer – ce qui serait par ailleurs insuffisant – que celles-ci ne contiennent pas d’éléments nouveaux.

Dans ces conditions,  le premier moyen est fondé  en ses deuxième à cinquième branches.

La  première  branche de ce  moyen est également fondée puisque la décision litigieuse refuse d’accéder à la demande du requérant de désigner un expert statisticien. Cette demande, qui est formulée à titre subsidiaire dans la requête d’appel, comporte en effet deux objets: la désignation d’un dentiste-expert, d’une part, et la désignation d’un « statisticien pour donner son avis sur la méthodologie «statistique» utilisée par le S.E.C.M. dans ce dossier ». Or, si la chambre de recours motive le rejet de cette demande quant à la désignation d’un expert dentiste, elle ne motive en rien le rejet de la demande pour ce qui concerne son second objet.

Le premier moyen est fondé en ses cinq branches.

PAR CES MOTIFS,
DECIDE:

Article 1er.

Est cassée la décision rendue le 28 août 2012 par la chambre de recours instituée auprès du service d’évaluation  et de contrôle médicaux de l’Institut  national d’assurance maladie-invalidité  (numéro de rôle FB-004-09), en cause de X.

Article 2.

Le présent arrêt sera transcrit sur les registres de la chambre de recours instituée auprès du service d’évaluation  et de contrôle médicaux de l’Institut  national d’assurance maladie-invalidité et mention en sera faite en marge de la décision cassée.

Article 3.

L’affaire est renvoyée devant la chambre de recours instituée auprès  du service  d’évaluation  et  de  contrôle médicaux de l’Institut national  d’assurance maladie-invalidité autrement composée.

Article 4.

Les dépens, liquidés à la somme de 175 euros, sont mis à la charge de la partie défenderesse.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique de la VIe chambre, le neuf avril deux mille quatorze par :

Mme Odile DAURMONT,
MM. Philippe QUERTAINMONT, David DE ROY,
Vincent DURIEUX,

Président de chambre, Président de chambre, Conseiller d’Etat,
Greffier.

Le Greffier, Le Président,

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