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Réattestations : les raisons d’un échec

18 février, 2016 par Dr R. BOURGUIGNON

L’enquête — et donc les poursuites — du SECM sont entachées de quatre erreurs fondamentales :

a) Une erreur de nature juridique

La notion de « prestation superflue ou inutilement onéreuse » de l’article 73 de la loi ASSI est nécessairement liée à des patients et des prestations identifiés.

Ainsi, on pourrait reprocher à un dermatologue de procéder de manière itérative — chez un ou plusieurs de ses patients — au curetage d’une tumeur superficielle (p.ex une verrue virale) quand sa nature rend une exérèse nécessaire.

Dans cet exemple, tant le ou les patients sont connus, ainsi que les actes attestés.

Cependant, tout grief se bornant à énoncer qu’une masse de prestations non identifiées, réalisées chez une masse de patients également non identifiés — et même non identifiables (sic) — serait de la « surconsommation » revient in fine à établir illégalement un mécanisme de quotas de soins.

Une conséquence évidente de cette erreur juridique — et une excellente preuve de la réalité de cette erreur — réside dans le fait que le calcul de l’indu est impossible en raison du caractère non fongible des prestations (lesquelles ont chacune leur valeur propre, selon la nature de l’obturation, l’âge et le statut du patient).

Ainsi, la règle de trois appliquée — fort maladroitement — par le SECM ne permet pas de calculer un quelconque indu… puisque celui-ci est impossible à déterminer sur base du concept même de l’enquête (voir le schéma des deux bouteilles, la première contenant de l’eau et la seconde un ensemble de pièces de monnaie et de billets de banque de valeurs différentes).

b) Une erreur de nature « dentaire »

Le SECM — qui ne dispose pas des données précises de chaque patient — s’est contenté des données figurant sur l’attestation et encodées par les mutuelles.

Ces données sont seulement : le code de Nomenclature, la date et le numéro de la dent…

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’enquête du SECM porte sur les « réattestations » (notion administrative) et non sur les « réobturations » (notion médicale).

Comme le relève très justement la Chambre de première instance, le SECM ne s’est aucunement soucié de consulter le moindre dossier de patient.

Ainsi sont incorporées dans ce que le SECM appelle les « réattestations » des traitements de caries situées sur d’autres faces de la dent !

Le SECM ne tient pas non plus compte de nombreux autres facteurs, notamment ceux figurant sur le site web du plus grand organisme représentatif des dentistes (disposant de 6 voix sur 10 à la « dento-mut » !), la VVT :

– obturation de la même dent à la suite d’un traitement de racine ;

– bruxisme ;

– pressions exercées par le patient en vue de conserver la dent : ce facteur est encore plus évident lorsqu’il s’agit de patients âgés de moins de 50 ans et qui n’ont pas droit aux prothèses amovibles remboursées ;

– traumatisme dentaire (p.ex mordre sur un objet dur) ;

– faiblesse d’une dent ou de la mâchoire ;

– mauvaise hygiène buccale : patient handicapé, classe sociale défavorisée, etc.) ;

On pourrait ajouter à cette longue liste quantité d’autres situations, par exemple le cas du dentiste qui reprend un patient mal traité par un autre dentiste et doit « réparer les dégâts ».

c) Une erreur de nature statistique

Comparer le taux de réattestation d’un dentiste déterminé avec le taux moyen national ou avec le taux retenu par tel ou tel « expert » international (travaillant par définition dans des conditions qui lui sont propres…) sans tenir compte de facteurs tels que p.ex. la taille de la patientèle ou le niveau social et l’hygiène bucco-dentaire des patients est une aberration sur le plan statistique.

Cela revient en effet à gommer toutes les différences locales, lesquelles justifieraient à elles seules une stratification.

La taille de la patientèle constitue l’un des biais les plus évidents : plus cette taille est réduite, moins les chiffres sont représentatifs.

Pour prendre un exemple parlant, un dentiste ayant une clientèle composée de deux personnes ayant toutes deux présenté une récidive de la seule carie traitée et ayant nécessité endéans l’année un nouveau soin présenterait un taux de « réattestation » de… 100% !

Se contenter d’incorporer dans l’enquête des pratiques dentaires ayant attesté « plus de 300 soins conservateurs » sur six mois (page 7/14 de la requête d’appel du SECM) est totalement insuffisant du point de vue statistique, dans la mesure où ce critère permet d’inclure de très petites pratiques.

En effet, 300 soins conservateurs sur six mois représentent dans le meilleur des cas… 2,27 obturations par jour (300/6×22) !

d) Une erreur fondamentale de conception

Outre les diverses erreurs juridique, dentaire et statistique qui entachent l’enquête du SECM, il faut bien parler d’une erreur fondamentale dans le choix de la norme à laquelle le SECM se réfère… laquelle fluctue au gré du temps.

Taux moyen belge

Ainsi, on lit à la page 13/14 de sa requête d’appel que le SECM a « réussi » à faire passer le taux moyen belge de réattestation de 8,25% en 2008 à 6,43% « suite probablement à l’impact qu’a pu avoir l’envoi d’une lettre aux 998 dentistes dont le taux de réattestation était supérieur à 10% ».

Il est clair que si l’on effraie les dentistes en leur adressant des courriers menaçants, le taux moyen belge va baisser, établissant ainsi une nouvelle référence.

Dès que cette nouvelle référence est atteinte, un nouveau courrier menaçant peut à son tour la faire baisser et ainsi de suite.

La norme ne traduit dès lors plus une réalité thérapeutique, mais un comportement d’évitement.

Taux accepté par le SECM en 2008

On a vu qu’à la fin des années 2000, le SECM acceptait un taux de réattestation de 15% (voir PVC Dr EISENHUTH).

En 2013, ce taux est mystérieusement passé à 10%…

Taux retenu par les « experts »

Il est clair qu’un expert hésitera beaucoup avant d’attacher son nom à un taux de réattestation élevé, même de manière hypothétique.

En outre, comme cela a été vu au point b) ci-dessus, la question posée à l’expert ne porte pas sur les « réattestations », mais sur les « réobturations ».

Comme le souligne la Chambre de première instance en page 9 de sa décision, la réponse des experts est beaucoup plus nuancée que le simple « 10% » tout rond du SECM.

Ainsi, le Professeur B. VAN MEERBEEK estime qu’il est « difficile » voire « impossible » de répondre à la question de la durée de vie d’une obturation.

Pourquoi le taux de référence en matière de « réattestations » — qu’il s’agisse du taux moyen belge ou du taux choisi par le SECM — varie-t-il sans cesse ?

Parce que — à l’opposé de certaines autres références directes — ce taux est influencé par beaucoup trop de paramètres extérieurs à la volonté du dentiste et ne constitue en définitive pas autre chose qu’un indicateur invitant éventuellement le SECM à « aller voir » sur place.

En tentant de remplacer ses contrôles classiques par une « mathématisation » à grande échelle du contrôle, puis de la sanction, le SECM s’est engagé dans un processus qui n’est pas prévu par la loi.

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