Une interprétation erronée d’un arrêt du Conseil d’Etat…
Dans son arrêt N° 133.274 du 29 juin 2004, la VIIème Chambre du Conseil d’Etat casse une décision de la Commission d’appel du 24 juin 1997 à propos d’un cas de prestations superflues ou inutilement coûteuses (attestées entre le 1er janvier 1991 et le 31 décembre 1992).
La Commission de Contrôle du Limbourg avait remarqué qu’un cardiologue réalisait – par comparaison avec ses confrères – un trop grand nombre de vectocardiogrammes (475311) et de phonocardiogrammes (475576), en combinaison avec des examens un peu plus « modernes ».
Tout ce que l’arrêt du Conseil d’Etat dit, c’est que la circonstance que la fréquence de certaines prestations d’un dispensateur est très élevée, comparativement à ses confrères, ne permet pas de le condamner.
Certains juristes, peu instruits des questions médicales, ont pourtant fait de cet arrêt une interprétation, puis un usage erronés.
Ainsi, une dentiste s’étant littéralement passionnée pour le bistouri-laser, avait acheté le matériel nécessaire et subi une formation spéciale. Elle attestait chaque année des centaines de gingivectomies effectuées à l’aide de son laser-YAG, principalement pour des dents déchaussées !
Or, la gingivectomie étendue à une mâchoire, sur une région d’au moins 6 dents, (317074) est une prestation de la Nomenclature de stomatologie, assez peu fréquemment attestée par les dentistes.
Via la Commission des Profils (encore que la Note de Synthèse fasse état d’une « plainte anonyme »…), ce dossier avait abouti au SECM, qui avait – à deux reprises – dressé procès-verbal pour prestations non conformes. La Note de Synthèse soulignait, elle aussi, la fréquence extrêmement élevée de ces gingivectomies…
Mais les juristes que nous évoquions n’ont pas bien perçu le centre de gravité de cette affaire, et ont invoqué l’arrêt du Conseil d’Etat pour soutenir qu’une fréquence élevée n’était pas synonyme d’irrégularités (on relèvera au passage que le cas soumis au Conseil d’Etat concernait des prestations superflues ou inutilement coûteuses, tandis que le second cas portait sur la conformité des prestations !) : à deux reprises, la dentiste fut condamnée par le Comité du SECM à des amendes pharamineuses.
Elle était en appel lorsqu’elle nous consulta.
En réalité, la véritable discussion était médicale et non juridique : la question était de savoir si les soins prodigués par la dentiste – à savoir une gingivectomie à biseau interne et a minima (rendue possible par l’extrême précision du faisceau laser) – était une gingivectomie… ou un simple toilettage.
La question fut alors posée le 22 janvier 2007 au CTM :
Peut-on attester le code 317074 dès lors que sur la région visée à la Nomenclature, soit au moins six dents, on pratique une incision à biseau interne de la gencive, à environ 0,5 – 1 mm de sa face dentaire, avec résection du lambeau (et ce, par exemple, afin de supprimer une poche parodontale en provoquant la réadhésion du tissu gingival sain à la dent) ?
Avec la sous-question suivante : existe-t-il une quantité minimum – ou une hauteur minimale – de tissu gingival devant être réséqué afin de répondre au libellé de la Nomenclature ?
Malgré plusieurs rappels, dix-huit mois plus tard, on attend toujours la réponse… mais pour sa part, la dentiste n’a plus jamais eu de nouvelles du SECM, ni des juridictions de l’INAMI !
La formule « Ils décidèrent de ne rien décider » résumerait-elle l’attitude de l’INAMI quand survient une difficulté d’interprétation de la NPS, pouvant déboucher sur des dépenses imprévues (voir aussi, sur ce thème, la News du 14 juillet 2008 : Reconstruction coronaire suivie de la mise en place d’une couronne prothétique) ?
Télécharger : CTM-Gingivectomies.pdf