Bientôt, le SECM saura tout sur vous…
Nous allons sans doute en surprendre plus d’un en écrivant qu’à l’heure actuelle, le SECM est quasiment aveugle : il ne dispose que de données très rudimentaires – celles figurant sur les « profils » – concernant les prestations portées en compte par les différents dispensateurs.
Autrement dit, il faut qu’un praticien fasse d’abord l’objet d’une enquête pour que le SECM demande aux sept Unions nationales – les OA – de lui fournir des CD ou DVD contenant toutes les données enregistrées par les différentes fédérations* sur base des ASD introduites pour une période déterminée !
En vertu de l’article 138 de la loi SSI, ces listes font foi jusqu’à preuve du contraire, également à l’égard de tiers**.
(On notera toutefois que le SECM n’a accès qu’aux données des sept Unions nationales, à l’exclusion de celles conservées par l’OSSOM, l’INIG, FEDASIL, la CSPM, etc.)
En revanche, si ce praticien n’est l’objet d’aucun contrôle, le SECM ne connaîtra jamais le détail de ses prestations : ainsi, un cumul de codes interdit ne sera découvert que si une enquête est initiée pour une autre raison***…
Le SECM « charge » ensuite ces sept supports d’informations sur son ordinateur, et ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il accède à toutes les données – dûment authentifiées par l’OA – relatives aux ASD du dispensateur en question :
– nom, prénom, adresse, NISS, du patient ;
– codes NPS et dates de prestation ;
– N° INAMI du prescripteur, N° de dents, etc. ;
– date d’introduction (importante du point de vue de la prescription depuis le 15.5.2007) ;
Il peut enfin utiliser ses différents logiciels « maison » pour analyser ces données à la recherche de cumuls interdits, « splitsings » artificiels et autres répétitions de codes NPS et/ou dresser les différents tableaux qu’il affectionne, dont le tristement célèbre « tableau synoptique » des PVC et notes de synthèse.
Mais, grâce à la magie d’Internet, tout cela va changer et le SECM devrait prochainement disposer de données beaucoup plus complètes et actuelles.
Un PVC constatant des cumuls interdits, établi sur base purement informatique et envoyé par la poste sans le moindre contact entre un inspecteur du SECM et le dispensateur concerné sera bientôt chose possible…
Et comme la procédure devant le fonctionnaire-dirigeant est purement épistolaire, le prestataire contrôlé ne risque pas de faire des rencontres !
Cette évolution vers un véritable « Big Brother » étatico-électronique se dessine dans d’autres domaines, notamment en matière de fiscalité.
Comme l’écrit Jean-Pierre BOURS dans un article**** paru en 2008 (avant la grande crise…) : « La levée du secret bancaire et la disparition des titres au porteur va permettre à l’administration de dresser un cadastre des patrimoines, autrement plus complet que ce qu’il pouvait être jusqu’à présent. La fortune mobilière va être recensée, depuis les capitaux placés en banque jusqu’aux titres détenus dans les sociétés. L’administration s’est d’ores et déjà dotée de logiciels lui permettant d’emmagasiner ces données : ainsi du logiciel PATRIS*****. Des recoupements s’effectueront avec l’administration de l’enregistrement, les déclarations de succession, les immatriculations de véhicules, les données recueillies lors de ventes publiques. Mis à jour, mixé, tout ceci donnera du contribuable, de ses revenus, de sa fortune, une image plus fidèle. Il y aura autant d’indicateurs braqués sur le contribuable, qu’il y a de caméras de surveillance dans les rues monégasques. »
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* ou offices régionaux s’agissant de la CAAMI…
** Art. 138 de la loi SSI :
Sous réserve de l’application des dispositions de l’article 165, l’organisme assureur … établit, de sa propre initiative ou à la demande des services de contrôle de l’Institut, au moyen des données conservées ou traitées par voie électronique, des listes sous forme de fichiers intégrés qui contiennent les informations nécessaires à l’identification complète des prestations, des dispensateurs de soins qui les ont prescrites, réalisées ou délivrées et des bénéficiaires. Ces informations peuvent concerner aussi bien les prestations portées en compte que celles qui ont été remboursées par l’assurance soins de santé. Le numéro d’ordre des prescriptions de médicaments doit également figurer dans ces fichiers.
Après authentification par un mandataire de l’organisme assureur … agréé par le fonctionnaire dirigeant du Service du contrôle administratif, ces listes font foi jusqu’à preuve du contraire, également à l’égard de tiers.
*** ce qui explique que tant de dispensateurs se justifient devant les juridictions administratives de l’INAMI en prétextant que, des années durant, tous les OA ont remboursé sans jamais sourciller les combinaisons de codes litigieuses… et d’autre part que l’INAMI mette tant de zèle à adresser aux prestataires leur profil pour bien montrer qu’il sait tout sur eux !
**** BOURS, Jean-Pierre, Suppression des titres au porteur et disparition du « secret bancaire » : quelles perspectives d’avenir pour la taxation de l’épargne en Belgique ?, Journal des Tribunaux 2008, p. 444
***** Acronyme de PATRimonial Information System.