2 mai, 2010 par Dr R. BOURGUIGNON
Un journal médical publie dans son édition du 30 avril 2010 une longue interview du Dr Bernard HEPP, nommé en 1999 directeur général du SECM et à ce titre, depuis le 15 mai 2007, juridiction administrative du premier degré pour certaines infractions.
Compte tenu du prochain départ à la retraite du Dr HEPP, cette interview a valeur de bilan voire de testament, et n’est pas exempte d’une certaine auto-complaisance…
Reconnaissons pour commencer que le Dr HEPP est un véritable démocrate, un parfait bilingue, un homme fiable et prudent, un bon meneur d’hommes : c’est évidemment essentiel sur le plan humain et cela commande le respect.
Cependant, malgré ces qualités très réelles, le Dr HEPP a fait preuve d’un terrible manque de clairvoyance et de vision : il a laissé son Service s’installer, au fil des années, dans un fonctionnement paperassier et policier, complètement dépassé par l’évolution des techniques médicales modernes – celles auxquelles recourent pourtant ceux qu’il est censé contrôler, à l’exception peut-être des médecins généralistes.
Il a surtout – et c’est le plus grave reproche qu’on puisse lui adresser – laissé son Service s’isoler complètement des prestataires de terrain, en négligeant de créer au niveau du contrôle médical l’équivalent des « inspecteurs de quartier ».
Ces acteurs de proximité se présenteraient à intervalles réguliers chez les dispensateurs au titre des « bonnes relations », pourraient ensuite être contactés aisément, rendraient certains services, notamment en matière de compréhension de la Nomenclature, et en retour renseigneraient leur hiérarchie à propos des difficultés rencontrées sur le terrain.
Cette omission s’avère d’autant plus regrettable que le SECM insiste lui-même sur son rôle « formatif ».
Il suffit de parler avec des médecins-inspecteurs pour se rendre compte à quel point ceux-ci sont « déconnectés » de la réalité quotidienne des prestataires*, et ce ne sont pas quelques conférences ni quelques interviews données ici ou là qui modifieront cette situation.
Le « Comité du SECM » est quant à lui tout aussi critiquable, car jeter un « pont » entre le SECM d’une part et le monde des prestataires de l’autre constituait l’un de ses rôles premiers.
L’incompétence technique combinée à l’isolement ont abouti à une épouvantable inefficacité du SECM – et donc à une véritable explosion des cas de fraude non détectés ou détectés tardivement** -, au point qu’il a presque fallu, en dentisterie, interdire – à deux reprises : en 1993 et en 2007 – une partie de l’accès au tiers-payant tant le SECM était incapable de contrôler convenablement un centre dentaire un tant soit peu important…
C’est donc le patient démuni qui fait les frais de l’incurie du SECM !
On peut certes dire, à la décharge du Dr HEPP, que le nombre de médecins-inspecteurs dont il dispose est nettement insuffisant par rapport à l’incommensurable ampleur de la tâche : que peuvent une centaine d’inspecteurs – d’une qualité au demeurant très inégale – face à des dizaines de milliers de dispensateurs, à des milliers de pharmaciens, à des centaines d’institutions attestant toujours davantage de prestations, toujours plus sophistiquées ?
Alors, il a fallu recourir aux tristes procédés réservés de tout temps aux contrôleurs dépassés par leur mission : user d’une certaine « brutalité », parfois de duplicité et… jouer à l’épouvantail en faisant des exemples !
Ces méthodes peu subtiles ont d’ailleurs valu au SECM une certaine forme de mépris et surtout un surnom particulièrement peu reluisant dans une démocratie…
L’affaire MASSAUX, qui a éclaté en 2006, a brusquement révélé au grand jour toutes ces carences.
Mais, une fois de plus, la réaction du SECM a été d’emprunter la voie de la facilité : les Drs HEPP et VRANCKX ont ainsi donné quelques interviews « rassurantes » à la presse – on a même donné la parole à quelques inspecteurs -, puis on s’est empressé fin 2006 de modifier la loi SSI afin d’enkyster les futurs MASSAUX en créant une procédure purement épistolaire – et donc particulièrement discrète – devant… le Dr HEPP lui-même !
Si, avant d’être contrôlée, le Dr MASSAUX*** avait rencontré un inspecteur de proximité – c’est-à-dire ne se cantonnant pas dans un rôle purement répressif – ce dernier aurait pu en quelque sorte s’interposer entre ses collègues et le MG pour « arrondir les angles » et ainsi éviter le scandale qui s’en est suivi.
L’histoire subséquente des quinolones montre enfin comment, en tentant de restaurer son image par une enquête « préventive » et non « répressive », le SECM a fait pire que mieux : cette tâche incombait en réalité à un acteur de proximité – inexistant dans le cas du SECM – et non à des inconnus débarquant chez les généralistes.
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* c’est au point que le milieu dentaire sait mieux que n’importe quel inspecteur du SECM quel dentiste fraude et ne fraude pas… et, par conséquent, ce sont en général les dentistes corrects qui écopent d’un contrôle !
** cette tardiveté dans l’exercice des poursuites est d’ailleurs ce qui irrite le plus les dispensateurs contrôlés
*** un praticien presque « trop honnête » – dans le sens d’un manque de roublardise – par rapport au SECM…
Photographie : le Dr Bernard HEPP lors du barbecue annuel donné dans les jardins de l’INAMI, le 25 juin 2009 © Securimed – tous droits réservés