Un document exceptionnel !
Notre rédaction a eu l’occasion d’examiner un certain nombre de documents internes, relatifs à l’affaire de la « dento-mut ».
Le plus intéressant d’entre eux est une sorte de tableau synoptique de deux pages reprenant les noms et caractéristiques des soixante-trois dentistes sanctionnés par la CNDM.
Ce tableau donne dans l’ordre : le nom, le prénom et le N° INAMI du dentiste, la proportion de TP (« verhouding DRB ») et celle de dérogation (« verhouding uitzondering »), le chiffre d’affaires (« consumptie ») et le ratio actes onéreux/obturations 1, 2 et 3 faces (« verhouding hoge nomenclatuur »).
En dernier lieu figure la date des justifications (« Datum schrijven ») : dans 18 cas – soit près du tiers -, cette rubrique est vide, ce qui signifie que le dentiste n’a même pas cherché à se justifier…
Le recordman absolu toutes catégories est le Français Bernard BISSON avec un pourcentage d’application du tiers-payant de… 100% et un chiffre d’affaires trimestriel de… 152.027,47 euros, soit un gain mensuel hors TM et autres honoraires non remboursés par l’INAMI de 50.675,82 euros* !
Sa complice, Pascaline MARTIN, apparaît aussi dans la liste : elle s’est suicidée depuis.
Qu’un CA aussi exorbitant n’attire pas immédiatement l’attention du service du contrôle de l’INAMI (le « SECM ») est un mystère à la belge : il faudrait vraiment demander au Dr Charles VRANCKX comment il explique son inertie…
Figure également sur la liste le célèbre escroc Eric NISOL avec un CA personnel de 72.306,63 euros sur la période mars-mai 2009.
Du côté du ratio actes onéreux/obturations 1, 2 et 3 faces, on relève une véritable anomalie : une certaine Anna P. a réussi la performance de présenter un ratio de 21,6818 (sic) alors que la valeur médiane est de 0,25976.
Autrement dit, Anna P. atteste vingt et une fois plus de restaurations de cuspides et de couronnes que d’obturations sur 1, 2 ou 3 faces ; comparée à la médiane, elle atteste des actes onéreux quatre-vingt trois fois plus fréquemment !
A l’opposé, Luc D. affiche le deuxième CA le plus élevé – 148.031,98 euros sur un trimestre – mais présente, très curieusement, un ratio microscopique de 0,0680, soit près de quatre fois moins que la valeur médiane : ce dentiste a-t-il construit sa fortune sur de petites obturations ou des prothèses ?
Relevons pour terminer que trois dentistes sanctionnés – Maryam B., John D. et Nathalie D. – ont un très petit chiffre d’affaires, inférieur à celui du dentiste médian : respectivement 7.910,25, 11.780,55 et 16.200,46 euros quand la médiane s’établit à 23.617 euros sur le trimestre.
Pourquoi ont-ils été condamnés ? En raison de leur ratio trop élevé : respectivement 0,5342, 2,0882 et 0,5364. Dans le premier comme dans le dernier cas, le dépassement du double de la médiane – soit 0,51952 – est tout à fait minime, et pourtant, ils « en ont pris » pour six mois de suspension** !
Ce qui est véritablement regrettable dans cette opération, c’est l’amalgame scandaleux opéré entre des fraudeurs bien connus de la profession – et même parfois déjà condamnés, comme Eric NISOL – et de véritables dentistes sociaux honorablement connus.
La CNDM ne semble disposer d’aucune information de terrain, mais il est à noter que le CA trimestriel des véritables dentistes sociaux connus de notre rédaction ne dépasse pas les 70.000 euros, ce qui représente tout au plus un CA mensuel d’environ 23.000 euros.
Colonne pathétique que celle de la date des justifications (« Datum schrijven ») : la CNDM a condamné indistinctement tous les dentistes à la même peine, qu’il se soient justifiés ou non…
Le PV de la réunion ne comporte d’ailleurs aucune motivation, la commission s’étant contentée de « constater » le dépassement des quotas !
Il est question que ce soit le CIN – et non plus la CNDM – qui examine dorénavant les justifications des dentistes concernés…
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* Sur base annuelle, Bernard BISSON encaissait ainsi au moins… six cent et huit mille euros, soit le prix d’une villa de prestige dans la banlieue huppée de Bruxelles !
** Aucun d’entre eux n’a adressé des justifications à la CNDM, mais de toute manière cela n’aurait rien changé…