Interview du Dr Bourguignon par Monique Baus – La Libre Belgique du 22 mai 2012
« Je ne vois pas pourquoi tous les efforts de contrôle seraient dirigés vers les dentistes alors que les autres disciplines seraient épargnées. »
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Dr Robert BOURGUIGNON
Directeur du cabinet conseil Securimed (spécialisé entre autres dans la défense juridique contre les poursuites de l’Inami)
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Comment réagissez-vous au système de points qui va entrer en vigueur en matière d’honoraires des dentistes ?
D’abord, je trouve étonnant qu’un syndicat dentaire demande à mettre sur pied un mécanisme qui peut se retourner contre lui. C’est le monde à l’envers. Ensuite, il faut parler du mécanisme en lui-même qu’on peut qualifier d’indirect. Il fonctionne sur la base d’un système de points en fonction du type de prestations facturées. Mais le but réel est de disposer d’une grille chiffrée des risques de fraude. Concrètement, le dentiste ne pourra plus excéder une moyenne de 200 points par jour ou de 45 000 points par an, ce qui correspond à un chiffre d’affaires évalué à plus de 300 000 euros par an (valeur des remboursements réclamés à l’assurance maladie, à savoir l’Inami). S’il les dépasse, il se verra infliger un contrôle approfondi par les inspecteurs assermentés de l’Inami. Je pense qu’il y aurait des moyens bien plus simples de lutter contre les fraudeurs, car l’objectif est bien là : légitimer des contrôles supplémentaires via ces règles complexes.
Aucun contrôle n’était prévu jusqu’ici ?
Si, il existe déjà une « Commission des profils » devant laquelle les dentistes peuvent être convoqués pour justifier des anomalies dans leur profil ou leur chiffre d’affaires. Ce système-là reste humain. Tandis que les chiffres du nouveau mécanisme et le débarquement d’inspecteurs assermentés ne le sont pas.
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Que redoutez-vous ?
D’abord, on peut craindre que les plafonds initiaux soient, petit à petit, revus à la baisse. Je m’interroge aussi sur la faisabilité du mécanisme. En effet, que devrait faire un dentiste qui voudrait ne pas dépasser les plafonds ? Comment lui demander, tandis que ses patients sont dans sa salle d’attente, de vite calculer ses points et puis quoi, de refuser le patient suivant parce qu’il exploserait son quota ? Enfin, je ne vois pas pourquoi tous les efforts de contrôle seraient dirigés vers les dentistes alors que les autres disciplines (médecins, kinés, infirmières ) seraient épargnées.
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Tous les dentistes sont-ils également visés par le nouveau système ?
Je ne pense pas. Le système est calibré pour attaquer les « dentistes sociaux » qui ne facturent que des prestations remboursées par l’Inami. Ils coûtent plus cher au système que les dentistes « de luxe » ou non conventionnés, qui facturent des prestations très coûteuses et non remboursées par l’Inami. Je pense que de moins en moins de dentistes vont oser faire du chiffre et du tiers-payant, ce qui profitera aux gros et aux tricheurs. Les gros ont assez d’audace et de bons conseillers pour leur montrer par quels moyens ils peuvent rester en règle. Et les tricheurs, eux, ne s’arrêtent pas pour si peu.
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La fraude existe-t-elle dans le chef des dentistes ?
Dans la mesure où elle n’est pas quantifiable, c’est difficile à dire, mais, quoi qu’il en soit, ce ne peut être que dans une proportion infime.
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Les dentistes gagnent-ils bien leur vie ?
Sur les 8 900 dentistes de Belgique, vous avez les retraités, les temps partiels, ceux qui ne pratiquent pas la médecine… Donc, 20 % ont déjà une activité ralentie. Quant aux autres, oui, ils peuvent bien se débrouiller. Moins bien toutefois qu’en France ou aux Pays-Bas.
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