17 mai, 2012 par Dr R. BOURGUIGNON
Lors d’une récente réunion de la CNDM, le 24 avril 2012, la Société de Médecine Dentaire (SMD) a approuvé – contre l’avis des Chambres Syndicales Dentaires (CSD) et contre celui de la Vlaamse Beroepsvereniging Tandartsen (VBT) – un nouveau mécanisme destiné à lutter contre la dentisterie sociale.
L’information perce en effet depuis quelques jours en provenance du nord du pays (les pauvres y sont nettement moins nombreux, et la dentisterie de luxe y est florissante…) : un système de « points » va être mis en œuvre afin de plafonner les revenus INAMI des dentistes belges.
Vous avez bien lu : plafonner les revenus des dentistes belges…
Le grand initiateur de ce projet n’est autre que celui qui avait introduit en 2007 – puis réintroduit en 2009, en pleine crise économique, – les fameux « quotas maximaux de pauvres », limitant à 5% (sic) le pourcentage de patients défavorisés hors BIM-OMNIO que chaque dentiste belge avait – selon lui – le droit de soigner : Michel DEVRIESE.
Son projet s’étant désintégré sur le glacis de Securimed et de ses avocats, DEVRIESE s’en prend à présent à ses confrères, dont il veut limiter les revenus.
Comment ce système – plutôt tarabiscoté – de « points de valeur » (« P-waarde » en néerlandais) fonctionne-t-il ?
Chaque acte dentaire est fictivement scindé en une valeur « travail » et une valeur « matériel » : par exemple respectivement 80 et 20 pour cent dans le cas d’une obturation : le « ratio » R égale donc 0,8.
Le but de cette opération est de sous-pondérer l’impact des prestations consommatrices de fournitures (p.ex. les prothèses pour lesquelles R = 0,5) affectant la marge bénéficiaire laissée au dentiste : une consultation ou un examen buccal annuel auraient ainsi une valeur « matériel » nulle (R = 1).
Le pourcentage « travail » R est ensuite appliqué au taux des honoraires INAMI de 2010, puis divisé par sept (en réalité 6,98 – soit la plus petite valeur d’honoraire dentaire*) et enfin arrondi à l’unité la plus proche pour donner la valeur en points P de la prestation (sic).
Pour ceux qui aiment les équations : P = (Taux 2010 x R) / 6,98
Une obturation sur trois faces chez l’adulte (code NPS 304415 – 304426) vaudrait ainsi en chiffres ronds : (80% x 54,82) / 7 = 6,28 arrondis à 6 points (voir ci-dessous).
Le dentiste ne peut excéder une moyenne de 200 points par jour ou 45.000 P par an**, ce qui correspondrait grosso modo à un chiffre d’affaires annuel de 350.00 euros – ou selon d’autres sources 315.000 euros*** – pour ce qui concerne les prestations remboursées par l’INAMI ; ce montant représenterait la valeur de remboursement (et non l’honoraire).
Cette moyenne est calculée – ceci est très important, car démontre la volonté de DEVRIESE de lutter à très bref délai contre la dentisterie sociale – sur une période minimale de 30 jours prestés consécutifs****, chaque journée au cours de laquelle au moins six actes de l’art. 5 de la NPS auront été attestés comptant pour un jour presté.
98% des dentistes se situeraient en dessous des deux plafonds ci-dessus (le quotidien et l’annuel).
Les stagiaires devront évidemment attester sous un numéro INAMI distinct de celui de leur maître de stage.
La valeur P – ou plus exactement P1, P2, P3, etc – remplacerait à terme les lettres-clés L, K et N dans la nomenclature de dentisterie.
A l’origine, en décembre 2011, DEVRIESE voulait limiter les revenus de ses confrères à 150 points par jour, mais il a dû faire marche arrière devant l’indignation des autres organisations représentatives.
Il est clair que les grands centres dentaires sociaux vont accélérer le recrutement de dentistes conservant un cabinet dans leur pays d’origine au sein de l’Union Européenne, qu’il s’agisse du Portugal, de la Grèce ou de la Roumanie, etc*****.
Pour eux, rien ne changera puisqu’ils peuvent multiplier à volonté le nombre de leurs collaborateurs : c’est le dentiste de la base qui subira de plein fouet le plafonnement de ses honoraires, tel que voulu par DEVRIESE.
Ainsi, les orthodontistes sont fortement pénalisés par son projet, dans la mesure où ils attestent leurs forfaits à un moment précis dans le temps.
On trouvera ci-dessous – en langue néerlandaise, car l’affaire est si politiquement incorrecte aux yeux d’un dentiste francophone qu’elle est actuellement mise sous le boisseau par DEVRIESE – les valeurs de P pour les différentes prestations dentaires.
Télécharger : P-waarden.pdf
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* Correspondant à la seconde radiographie intrabuccale, code NPS 307053 – 307064 N8.
** Quid des attestations rentrées en retard par le dentiste… ou par le patient ?
*** Il est impossible de convertir les points P en euros d’une manière univoque, puisque le coefficient R varie d’une catégorie d’actes à une autre : P prend donc plusieurs valeurs.
**** Cela permet au CIN de choisir n’importe quelle période mobile de 30 jours prestés consécutifs, même la plus défavorable au dispensateur…
***** Le but recherché n’est pas de compenser des périodes d’hyperactivité en Belgique par des retours au pays, puisque la base minimale de calcul de la moyenne quotidienne est de 30 journées prestées consécutives : l’interruption des prestations belges n’entre donc pas en ligne de compte.