20 juillet, 2013 par Dr R. BOURGUIGNON
Les différentes conventions préventives de la double imposition (CPDI) signées par la Belgique avec la plupart des pays — mais pas tous — contiennent une disposition du genre :
Article 14 Professions libérales
§1er Les revenus qu’un résident d’un État contractant tire d’une profession libérale ou d’autres activités indépendantes de caractère analogue ne sont imposables que dans cet État, à moins que ce résident ne dispose de façon habituelle dans l’autre État d’une base fixe pour l’exercice de ses activités. S’il dispose d’une telle base, les revenus sont imposables dans l’autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables aux activités exercées à l’intervention de ladite base fixe.
§ 2 L’expression « professions libérales » comprend en particulier les activités indépendantes d’ordre scientifique, littéraire, artistique, éducatif ou pédagogique, ainsi que les activités indépendantes des médecins, avocats, ingénieurs, architectes, dentistes et comptables.
Concrètement, cela signifie qu’un médecin ou un dentiste domicilié au Portugal ou au Grand-Duché de Luxembourg — pays avec lesquels la Belgique a signé une convention préventive de double imposition —, mais réalisant une partie de son chiffre d’affaires en Belgique de façon « habituelle » et à partir d’une « base fixe » (un cabinet médical ou dentaire et un numéro INAMI) est imposé en Belgique pour ce qui concerne ses revenus de source belge.
C’est ancien et logique : c’est l’application des art. 227* et 228 du CIR 92.
Mais il y a beaucoup plus récent !
Le nouvel article 87, 5°, f) ARCIR/92** pris en exécution de la loi du 13 décembre 2012 portant des dispositions fiscales et financières, soumet les revenus mentionnés ci-dessus au précompte professionnel à la source, et ce à partir du 1er mars 2013.
L’annexe III de l’ARCIR/92 fixe la retenue à 33%, mais après déduction d’un forfait pour frais de 50%. Le montant du précompte professionnel à retenir correspond donc à 16,5% du revenu attribué au non-résident.
Concrètement, l’institution*** occupant des titulaires de professions libérales non résidents en Belgique demandera à son secrétariat social de précompter leurs rémunérations — même non périodiques, même faisant l’objet de factures — et d’établir annuellement une fiche 281.30 (et non plus 281.50), à défaut de quoi le montant total du précompte éludé, augmenté d’une amende administrative (et des intérêts de retard), pourra lui être réclamé par le fisc.
Pour sa part, le travailleur recevra, lors de chaque clôture, un décompte reprenant le montant à lui verser et celui représentant le précompte.
Les précomptes professionnels éludés depuis le 1er mars 2013 peuvent — et doivent même selon nous — être régularisés, récupérés sur les rémunérations encore dues et versés immédiatement à l’Etat.
Les titulaires de professions libérales concernés doivent évidemment payer leurs impôts en Belgique — et non dans leur pays de résidence, sauf en ce qui concerne les revenus originaires de celui-ci !
Reste l’épineuse question de l’assujettissement à l’INASTI… corollaire obligé des revenus d’indépendant.
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* Article 227, CIR 92 (ex. d’imp. 2012)
Sont assujettis à l’impôt des non-résidents: 1° les non-habitants du Royaume, y compris les personnes visées à l’article 4; 2° les sociétés étrangères ainsi que les associations, établissements ou organismes quelconques sans personnalité juridique qui sont constitués sous une forme juridique analogue à celle d’une société de droit belge et qui n’ont pas en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d’administration; 3° les Etats étrangers, leurs subdivisions politiques et collectivités locales ainsi que toutes les personnes morales qui n’ont pas en Belgique leur siège social, leur principal établissement ou leur siège de direction ou d’administration et qui ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations à caractère lucratif ou se livrent, sans but lucratif, exclusivement à des opérations visées à l’article 182.
** Arrêté royal du 4 mars 2013 modifiant, en matière de précompte professionnel, l’AR/CIR 92 (1)
ALBERT II, Roi des Belges,
A tous, présents et à venir, Salut.
Vu le Code des impôts sur les revenus 1992 :
– l’article 245, alinéa 2, modifié par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002;
– l’article 271, modifié par la loi du 6 juillet 1994, par l’arrêté royal du 20 décembre 1996, par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002 et par la loi du 22 décembre 2008;
– l’article 275, §§ 1eret 2;
– l’article 469, modifié par la loi du 15 mars 1999 et par la loi-programme (I) du 24 décembre 2002;
Vu l’AR/CIR 92 :
– l’article 80, inséré par l’arrêté royal du 4 décembre 2003;
– l’article 87, modifié par les arrêtés royaux des 27 août 1993, 22 octobre 1993, 10 janvier 1997, 20 mai 1997, 5 décembre 1997, 24 juin 1999, 15 décembre 2003, 23 janvier 2004 et 14 avril 2009;
– l’article 88;
– l’article 93, remplacé par l’arrêté royal du 3 juin 2007 et modifié par l’arrêté royal du 7 décembre 2007;
– l’annexe III, remplacée par l’arrêté royal du 11 décembre 2012;
Vu les lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées le 12 janvier 1973, l’article 3, § 1er;
Vu l’urgence;
Considérant :
– que la loi du 13 décembre 2012 a introduit une nouvelle catégorie de revenus professionnels imposables;
– que la même loi a désigné en même temps les redevables du précompte professionnel;
– qu’en ce qui concerne les nouveaux revenus professionnels, le taux applicable du précompte professionnel doit être déterminé;
– que le présent arrêté doit être applicable aux revenus payés ou attribués à partir du 1ermars 2013;
– qu’il doit être porté à la connaissance des redevables du précompte professionnel dans les plus brefs délais;
– que cet arrêté doit donc être pris d’urgence;
Sur la proposition du Vice-Premier Ministre et Ministre des Finances,
Nous avons arrêté et arrêtons :
Article 1er. L’article 87, 5°, de l’AR/CIR 92, modifié par l’arrêté royal du 27 août 1993, est complété parce qui suit :
« f) revenus visés à l’article 228, § 3, du même Code; ».
Art. 2. A l’annexe III à l’AR/CIR 92, remplacée par l’arrêté royal du 11 décembre 2012, les modifications suivantes sont apportées :
a) dans l’intitulé du chapitre V, section 5, des règles d’application de l’annexe III à l’AR/CIR 92, les mots « a à c, et e » sont remplacés par les mots « a à c, e et f »;
b) dans le texte du numéro 5.24 des mêmes règles d’application, les mots « a à c, et e » sont remplacés par les mots « a à c, e et f »;
c) le même numéro 5.24 est complété par un e rédigé comme suit :
« e) 33 p.c. (16,5 p.c. après déduction d’un montant forfaitaire de frais égal à 50 p.c.) du montant brut des revenus visés à l’article 87, 5°, f. Le montant de ce précompte est toutefois limité au montant maximum de la retenue à la source prévue par une convention préventive de la double imposition applicable. ».
Art. 3. Le présent arrêté est applicable aux revenus payés ou attribués à partir du 1ermars 2013.
Art. 4. Le ministre qui a les Finances dans ses attributions, est chargé de l’exécution du présent arrêté.
Donné à Bruxelles, le 4 mars 2013.
ALBERT
Par le Roi :
Le Vice-Premier Ministre et Ministre des Finances,
S. VANACKERE
_______
Note
(1) Références au Moniteur belge :
Code des impôts sur les revenus 1992, coordonné par arrêté royal du 10 avril 1992, Moniteur belge du 30 juillet 1992.
Loi du 6 juillet 1994, Moniteur belge du 16 juillet 1994.
Loi du 15 mars 1999, Moniteur belge du 27 mars 1999.
Loi-programme (I) du 24 décembre 2002, Moniteur belge du 31 décembre 2002 (1reédition).
Loi du 22 décembre 2008, Moniteur belge du 29 décembre 2008 (4eédition).
Arrêté royal du 20 décembre 1996, Moniteur belge du 31 décembre 1996 (4eédition).
Arrêté royal du 27 août 1993 d’exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, Moniteur belge du 13 septembre 1993.
Arrêté royal du 22 octobre 1993, Moniteur belge du 29 octobre 1993.
Arrêté royal du 10 janvier 1997, Moniteur belge du 11 février 1997.
Arrêté royal du 20 mai 1997, Moniteur belge du 10 juin 1997.
Arrêté royal du 5 décembre 1997, Moniteur belge du 31 décembre 1997.
Arrêté royal du 24 juin 1999, Moniteur belge du 14 août 1999.
Arrêté royal du 4 décembre 2003, Moniteur belge du 17 décembre 2003 (1reédition).
Arrêté royal du 15 décembre 2003, Moniteur belge du 23 décembre 2003 (2eédition).
Arrêté royal du 23 janvier 2004, Moniteur belge du 4 février 2004 (2eédition).
Arrêté royal du 3 juin 2007, Moniteur belge du 14 juin 2007 (2eédition).
Arrêté royal du 7 décembre 2007, Moniteur belge du 17 décembre 2007.
Arrêté royal du 14 avril 2009, Moniteur belge du 20 avril 2009 (4eédition).
Arrêté royal du 11 décembre 2012, Moniteur belge du 14 décembre 2012 (1reédition).
Lois sur le Conseil d’Etat, coordonnées par arrêté royal du 12 janvier 1973, Moniteur belge du 21 mars 1973.
*** Aussi surprenant que cela paraisse, cette obligation de prélever un précompte professionnel incomberait également à l’INAMI et surtout aux OA — en leur qualité de débiteur des revenus — si le dispensateur non-résident perçoit ses honoraires en nom propre (ASD mod. A ou E) : sont-ils seulement au courant ? Quid des patients eux-mêmes ?