9 septembre, 2013 par Dr R. BOURGUIGNON
Tout a commencé quand nous avons remarqué que le dentiste Samir N. avait attesté en tiers-payant 22 obturations sur 3 faces chez le même patient, du vendredi 5 avril au vendredi 12 avril 2013 : était-ce plausible ?
J’ai demandé à mon associé le dentiste LSD HATZKEVICH quelle était la probabilité de fraude.
Réponse : plus de 99% !
L’adulte possède 32 dents (28 si l’on ne compte pas les dents de sagesse).
Samir aurait donc soi-disant obturé — toujours sur trois faces, code de Nomenclature 304415 — 22 des 28 ou 32 dents (selon que l’on compte ou non les dents de sagesse…) du patient Shafique M. né en 1965 (48 ans), soit les deux tiers des dents en une seule semaine !
Ces 22 obturations ont eu lieu du vendredi 5 avril 2013 au vendredi 12 avril 2013, aux cinq dates suivantes : 5/4, 8/4, 9/4, 11/4 et 12/4.
Autrement dit, le patient se serait présenté presque chaque jour ouvrable chez Samir pour subir en moyenne 4,4 grosses obturations par séance.
Et pourquoi toujours des obturations sur trois faces ?
Parce que c’est le code le plus « rentable » à moins de tomber dans un type d’acte différent : les reconstructions (de cuspide ou de couronne).
Encore plus surprenant : pas la moindre radiographie — ni panoramique, ni intrabuccale — n’a été réalisée avant ce prétendu travail de titan !
Et pourquoi chez ce patient (Shafique M.) ?
Parce que Shafique possède un code d’assurabilité CT1 de 111 : il est BIM-OMNIO.
Pour le dentiste tiers-payantiste, ce statut présente deux avantages majeurs :
– le remboursement est effectué à 100% et non à 75% (dans le régime du tiers-payant ces 100% arrivent… sur le compte bancaire de Samir !) ;
– la déclaration écrite SFIOD (détresse financière) rédigée et signée par le patient n’est pas requise : c’est fort commode…
Et ce schéma se reproduit de mois en mois : un nombre réduit de patients subit un nombre extraordinaire d’obturations, invariablement sur trois faces.
Par exemple :
– chez Mustafa M. Samir a attesté 36 prestations entre le 21 juin et le 29 juin 2013 (6 ASD) ;
– chez Adeline S. : 26 prestations entre le 22 juin et le 26 juin 2013 (5 ASD) ;
– chez Bilal S. : 38 prestations entre le 20 juin et le 26 juin 2013 (6 ASD), soit 38 prestations sur 6 jours consécutifs : les 20/6, 21/6, 22/6, 24/6, 25/6 et 26/6 (le 23/6 est un dimanche…) ;
– chez Shada A. : 26 prestations entre le 13 juin et le 20 juin (7 ASD !) ;
– etc etc : tout est de la même veine : un nombre exorbitant de prestations sur une période extrêmement courte !
Quel est exactement le modus operandi de Samir ?
Samir voit des patients présentant des obturations (des « plombages ») multiples, déjà réalisées par d’autres dentistes (par exemple sur 22 dents).
Il demande alors au patient plusieurs vignettes de mutuelle (quatre ou cinq) et rédige des attestations de soins reprenant chacune quatre (ou plus) obturations pour un total de 20 à 22 obturations.
Il suffit alors à Samir de réaliser un seul soin (au cas où le patient serait auditionné…) et de réattester toute la série d’obturations déjà présentes : en cas de contrôle par l’INAMI, il peut effectivement montrer 22 obturations…
Si l’INAMI lui objecte que ces obturations ont été réalisées par d’autres dentistes, il répondra que l’obturation « est tombée » ou « était trop vielle » et qu’il a dû la refaire.
Ce système de fraude est des plus classique en dentisterie : l’escroc Eric NISOL, condamné à de la prison, procédait de cette manière.
Le fraudeur peut ainsi gagner sans effort, en voyant seulement une trentaine de patients par mois (3 jours de travail…), plus de 15 à 20.000,00 euros au détriment de l’assurance maladie-invalidité.
Que risque Samir ? En tout et pour tout une simple amende administrative de 250 euros (à multiplier par 5,5).
C’est tout à fait inacceptable : des gens comme Samir coûtent des fortunes aux travailleurs, aux employeurs et à l’Etat qui financent l’assurance maladie-invalidité…
Des entreprises belges ferment ou délocalisent parce que les charges sociales belges sont devenues insupportables : c’est la fraude sociale qui est insupportable !
Il faut rendre la facturation en tiers-payant obligatoire via un Office de tarification agréé !