Endoscopies digestives et anesthésie générale…
QUESTION :
Je suis gastro-entérologue et mon cohabitant légal est anesthésiste ; nous sommes associés au sein d’une société civile et utilisons des ASD mod. C, mais c’est moi qui m’occupe de l’administration.
Je réalise des endoscopies digestives sous anesthésie générale en dehors de tout milieu hospitalier ; je précise que mon assureur est au courant de cette pratique.
Lorsque je réalise au cours de la même séance une gastroscopie et une coloscopie totale, mon cohabitant porte en compte pour l’anesthésie générale le cumul de codes suivant :
– pour la gastroscopie 473056 K96 : 201073 K45 à 100%
– pour la coloscopie 473174 K125 : 200211 K72 à 100%
En ce qui me concerne, je n’ai jamais renseigné de N° d’hôpital sur mes attestations reprenant la coloscopie K125 et seules les mutualités chrétiennes ont exigé que je fasse apparaître cette donnée, mais j’ai réussi à les faire changer d’avis.
Nous n’avons plus rien introduit en tiers-payant* depuis cinq mois, car nous ne sommes pas certains d’être dans la légalité…
Quelle est exactement notre situation ?
REPONSE :
Il convient pour commencer de rappeler que la Nomenclature est d’interprétation stricte.
a) Tout d’abord, l’article 12 §3, 5° de la Nomenclature (Anesthésiologie) interdit de manière absolue de porter en compte une anesthésie générale réalisée en dehors d’un milieu hospitalier :
5° Les honoraires pour les anesthésies générales ne sont dus que si ces anesthésies ont été effectuées en milieu hospitalier.
Le patient ne doit donc pas être hospitalisé**, mais l’anesthésie doit se dérouler dans les murs d’une institution de soins possédant un N° INAMI d’hôpital : aucune exception n’est admise.
Ce numéro d’hôpital doit évidemment figurer sur l’attestation ; il est à cet égard extraordinaire que des organismes assureurs aient accepté de rembourser les prestations non conformes de votre cohabitant-anesthésiste…
b) De même, l’article 15, § 2 de la Nomenclature (Chirurgie), reproduit ci-dessous, interdit — à l’exception des prestations de l’art. 14 h)*** — de porter en compte les interventions d’une valeur relative supérieure à K120 ou N200 si celles-ci n’ont pas été réalisées en milieu hospitalier aigü :
“A.R. 31.8.1998″ (en vigueur 1.11.1998)
“§ 2. Sauf en cas de force majeure, les interventions d’une valeur égale ou supérieure à K 120 ou N 200 ou I 200 doivent être effectuées dans une institution hospitalière agréée par l’autorité compétente et qui comprend au moins un service C ou D.”
“A.R. 12.8.2008″ (en vigueur 1.10.2008)
“Par force majeure, il faut comprendre : l’apparition, chez le patient, d’un état pathologique exceptionnel, imprévisible et inévitable, indépendant de la volonté du prestataire de soins.”
A nouveau, ce numéro d’hôpital aigü doit figurer sur l’attestation.
Cependant, la coloscopie totale K125 n’étant pas un acte à caractère chirurgical, vous pouvez la porter en compte dans les conditions que vous décrivez (voir règle interprétative ci-dessous).
c) En plus de cela, même s’il était possible (quod non) de porter en compte une anesthésie générale pour les deux prestations évoquées dans votre question et réalisées durant la même narcose, la manière d’attester de votre cohabitant-anesthésiste n’est pas du tout correcte (voir ci-dessous art. 12 §3, 6° point c****) et à nouveau il est extraordinaire que des OA aient accepté de rembourser un tel cumul de codes d’anesthésies générales à 100%, d’autant qu’en outre les prestations relatives doivent figurer sur l’ASD.
Conclusion : il vous est loisible de porter en compte les actes d’endoscopie digestive (en l’occurrence : gastroscopie et coloscopie), mais les anesthésies générales sont strictement réservées aux praticiens œuvrant en milieu hospitalier.
Votre cohabitant-anesthésiste risque par conséquent de devoir rembourser à l’INAMI la valeur de ses actes et de se voir infliger une amende administrative de l’ordre de 50 à 100% de l’indu (avec un maximum de 150%).
Sur le plan civil, nous déconseillons très vivement, sauf nécessité absolue, d’encore réaliser en 2015 des anesthésies générales — et même des sédations — en dehors d’un hôpital ; on peut même invoquer à cet égard l’art. 35 du Code de déontologie médicale*****.
___________________
* NOTE : ce médecin n’est pas membre de Securimed.
** Vous attestez donc le code NPS ambulant (avant-dernier chiffre impair).
*** A savoir la Nomenclature d’ophtalmologie :
“A.R. 16.2.2009″ (en vigueur 1.5.2009)
“Cette règle n’est pas d’application en cas de force majeure et pour les prestations reprises à l’article 14 h) de la nomenclature, pour autant que ces prestations en ambulatoire soient exécutées dans un environnement extra-muros qui répond aux normes architecturales d’une fonction d’hôpital chirurgical de jour, décrite aux articles 2 à 6 de l’arrêté royal du 25 novembre 1997 fixant les normes auxquelles doit répondre la fonction «hospitalisation chirurgicale de jour» pour être agréée, et que ces prestations sont réalisées sous anesthésie locale ou topique, n’exigeant pas de sédation du patient, ni de besoins en accueil ou surveillance infirmiers directs.”
**** 6° En cas de prestations multiples au cours d’une même séance, l’anesthésie correspondant à la prestation affectée du nombre coefficient le plus élevé est honorée à 100 p.c., les anesthésies correspondant aux prestations supplémentaires à 50 p.c. de leur valeur.
« A.R. 7.6.2007 » (en vigueur 1.7.2007)
« Cependant, Les anesthésies mentionnées dans les rubriques a), b) et c) pour les prestations supplémentaires ne peuvent pas être honorées : »
… … …
« A.R. 22.1.1991 » (en vigueur 1.1.1991)
« c) lorsque les prestations chirurgicales et/ou autres supplémentaires sont affectées d’un nombre coefficient inférieur à K 120 ou N 200 ou I 200. »
***** Voici deux décennies, l’opinion publique se montrait encore assez tolérante par rapport aux « accidents médicaux », souvent acceptés comme une quasi-fatalité ; mais Internet, les procès en responsabilité professionnelle et l’hospitalocentrisme à tout crin ont radicalement changé la donne!
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